Période d’essai et inaptitude

Période d'essai et inaptitudePériode d’essai et inaptitude. La rupture de la période d’essai : les règles générales  et l’abus du droit de rupture de la période d’essai. L’application du principe de non-discrimination à l’état de santé dans le cadre de la période d’essai. Conséquences de l’arrêt de travail durant la période d’essai : accident du travail, arrêt de maladie : quelle possibilité de rupture de la période d’essai ? Visite médicale d’embauche, avis d’aptitude et d’inaptitude pendant la période d’essai : quelle possibilité de rupture ?

Spécificité de la rupture de la période d’essai

Les règles générales relatives à la rupture de la période d’essai

Les dispositions prévues par la loi concernant  la rupture du contrat de travail hors période d’essai, ne sont pas applicables pendant celle-ci. Ainsi les règles relatives à la procédure, au préavis et à la motivation du licenciement et celles de la rupture anticipée du CDD ne sont pas applicables pour la rupture de la période d’essai. En principe durant l’essai, le contrat de travail (CDI ou CDD) peut être rompu par le salarié ou par l’employeur, sans nécessité d’en justifier la raison. Une cause réelle et sérieuse justifiant la rupture n’est pas exigée.

Cependant, si les modalités de la rupture de la période d’essai ne sont pas légalement prévues, la rupture ne peut pas être signifiée verbalement devant d’autres salariés et une notification seulement verbale ne permettra pas d’établir une date certaine (Cour de cassation, chambre  sociale, 5 déc. 2001, N° : 99-45758). En pratique, il faut donc un écrit et une preuve de la remise ou réception par l’autre partie.

Par ailleurs, un délai de prévenance doit être respecté en cas de rupture de la période d’essai (1).

L’abus du droit de rupture de la période d’essai est toutefois illégal

La finalité de la période d’essai est de permettre à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et à ce dernier d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. La rupture de la période d’essai ne doit pas être abusive, ce qui serait le cas si les motifs de la rupture de l’essai ne correspondaient pas à sa finalité.

Par ailleurs, certaines  obligations et interdits existent du fait de la loi et de la jurisprudence et  de certaines conventions collectives, notamment en cas d’accident du travail, d’inaptitude, ou si une faute est alléguée.

Application du principe de non-discrimination à l’état de santé dans le cadre de la période d’essai

Les dispositions relatives au principe de non-discrimination (prévues à l’article L 1132-1 du Code du travail) sont applicables à la période d’essai. Par application de ce principe de non-discrimination, la rupture d’une période d’essai liée à l’état de santé du salarié ou à son handicap sera frappée de nullité. Par ailleurs, l’employeur sera condamné à la réparation du préjudice, du fait du caractère illicite de la rupture de la période d’essai, ainsi qu’au versement d’une indemnité compensatrice de préavis. (Cour de cassation, chambre sociale, 16 février 2005, N° : 02-43402).

L’employeur, sauf à être très mal informé, ne fera pas état d’un motif lié à l’état de santé ou au handicap du salarié pour la rupture de la période d’essai. Mais si l’employeur peut rompre l’essai sans être tenu de justifier d’un motif particulier, le salarié a la possibilité d’agir en justice et de faire constater l’abus de droit, s’il estime que le véritable motif de la rupture est illicite..

En pratique pour faire reconnaitre une discrimination, le salarié doit seulement présenter des éléments de faits qui en laissent supposer l’existence. Il revient ensuite à l’employeur de prouver que sa décision de rompre la période d’essai était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Les juges pourront à partir des éléments contradictoire des deux parties, déterminer si l’employeur a souhaité, ou non,  écarter un salarié en raison de ses problèmes de santé.

Conséquences de l’arrêt de travail durant la période d’essai

Si le salarié a un arrêt de travail au cours de la période d’essai, la durée de l’essai est prolongée d’une durée égale à celle de l’absence. La prolongation se calcule en jours calendaires, sauf dispositions conventionnelles différentes.

Durant l’arrêt de travail, les conséquences ne sont pas les mêmes selon que l’arrêt résulte d’un accident du travail ou d’une maladie.

Protection suite à un  accident du travail durant la période d’essai, pendant la suspension du contrat de travail

Si le salarié est victime d’un accident du travail pendant sa période d’essai, l’employeur ne peut résilier le contrat de travail pendant sa suspension (sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie).

Si l’employeur met fin au contrat pendant sa suspension (hors cas cités), la rupture sera nulle (Cassation, chambre  sociale, 12 mai 2004, N° : 02-44325) et  les salaires depuis le jour de la rupture jusqu’à la date de sa réintégration effective seront dus (Cour de cassation, chambre sociale, 25 janvier 2006, N° : 03-47517). La protection spécifique des accidentés du travail l’emporte sur la liberté de résiliation du contrat de travail pendant la période d’essai.

Salarié en arrêt de maladie et possibilité de rupture de la période d’essai

Le fait que le salarié soit en arrêt de maladie n’interdit pas à l’employeur de notifier sa décision d’interrompre l’essai en raison de résultats jugés insatisfaisants et constatés avant la maladie du salarié (Cour de cassation, chambre sociale, 21 novembre 1979, N° : 78-40758). Cependant, la rupture du contrat de travail pendant l’arrêt de travail du salarié pour maladie pourra contribuer à l’appréciation d’un lien entre la maladie du salarié et la décision de l’employeur d’interrompre la période d’essai, qui ne saurait être discriminatoire.

Visite médicale d’embauche, aptitude et inaptitude pendant la période d’essai

L’obligation d’une visite médicale d’embauche

En théorie, tout salarié doit faire l’objet d’un examen par le médecin du travail, avant son embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai (Article R 4624-10 du code du travail). Dans la pratique, du fait de la multiplication des CDD de courte durée et de la pénurie de médecins du travail, nombre de visites d’embauche ne sont pas réalisées, ce qui a pour effet de mettre en cause l’obligation de sécurité qui repose sur les employeurs. La réforme de la Médecine du travail, en 2015, permettant notamment au médecin du travail de déléguer devrait permettre d’améliorer la situation.

L’avis d’aptitude ou d’inaptitude pendant la période d’essai

Après un avis d’aptitude, ou un avis d’inaptitude, une très grande vigilance s’impose à l’employeur qui envisage une rupture de la période d’essai.

Rupture de la période d’essai après un avis d’aptitude

Après un arrêt de travail, si le médecin du travail indique que le salarié est apte, celui-ci doit logiquement reprendre le travail. Si l’employeur met fin à la période d’essai de son salarié, pour des raisons même non-avouées, liées à l’état de santé du salarié, celui-ci pourra demander sa réintégration devant la justice prud’homale. Si les juges  sont convaincus de l’existence d’un lien entre l’arrêt de travail et la rupture du contrat, ils prononceront nullité de la rupture du contrat de travail et décideront une indemnisation du salarié pour la perte de salaire subie entre la rupture du contrat et sa réintégration ou son indemnisation (Cour de cassation sociale, 25 janvier 2006, N° : 03-47.517).

Les réserves du médecin du travail concernant une nécessité d’adaptation du poste doivent être prises en compte par l’employeur, peu  importe que le salarié soit encore en période d’’essai (Cour de cassation, chambre sociale, 16 septembre 2009, N°: 08-42494).

Rupture de la période d’essai après un avis d’inaptitude

Dans le cas de figure où l’effectivité du contrat de travail a été conditionnée à l’aptitude du salarié à occuper sa nouvelle fonction et que la visite d’embauche a bien eu lieu avant tout début de travail, en cas d’inaptitude le contrat sera considéré comme caduc et l’employeur n’aura pas à effectuer d’actions particulières.

Mais, dans la plupart des cas, la visite de médecine du travail a lieu pendant la période d’essai et alors se pose la question de ce qu’impose un avis d’inaptitude pendant cette période d’essai.

Le salarié peut être déclaré inapte par le médecin du travail, lors de la visite médicale d’embauche, il peut aussi l’être lors d’une visite de reprise après un arrêt de travail, alors que salarié est encore en période d’essai (la prolongation de la période d’essai égale à la durée de la suspension favorisant l’existence de telle situation).

La procédure à suivre liée à l’inaptitude du salarié est applicable pendant la période d’essai. L’inaptitude doit être constatée, après les 2 visites de reprise espacées de 15 jours, ou en une seule visite en cas de danger immédiat ou si une visite de préreprise a eu lieu dans les 30 jours qui précèdent. Une contestation est possible devant l’inspecteur du travail. (Conseil d’Etat, 17 juin 2009, N° : 314729).  L’employeur doit chercher à reclasser son salarié dans l’entreprise et seule une impossibilité de reclassement lui permettra de rompre l’essai (Cour de cassation, chambre  sociale, 25 février 1997, N° : 93-40185).

L’obligation de reclassement (en fait l’obligation de rechercher loyalement un reclassement et de proposer ceux possibles au salarié) prime sur la liberté de rupture du contrat de travail pendant le préavis. Cette obligation de reclassement existe aussi bien pour une inaptitude d’origine professionnelle, que pour une inaptitude d’origine non professionnelle.

En pratique, un employeur qui voudra éviter tout risque devra se référer à toute la procédure de licenciement pour inaptitude, jusqu’à la rupture du contrat de travail.

(1) Respect d’un délai de prévenance pour la rupture de la période d’essai

Depuis 2008, la loi impose le respect d’un délai de prévenance (ce qui ressemble à un préavis) à la partie qui souhaite rompre l’essai. Ainsi, lorsque l’employeur décide de mettre fin au contrat, au cours ou au terme de l’essai, il doit en aviser le salarié dans un délai qui ne peut être inférieur à :

  • 24 heures en deçà de huit jours de présence ;
  • 48 heures, entre huit jours et un mois de présence ;
  • deux semaines, après un mois et avant trois mois de présence ;
  • un mois, après trois mois de présence.

En 2014, la loi a précisé que lorsque le délai de prévenance n’était pas respecté, son inexécution ouvrait droit (sauf une faute grave) à une indemnité compensatrice. Cette indemnité correspond au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.

Lorsque la rupture émane du salarié, celui-ci doit respecter un délai de prévenance de 24 heures si sa durée de présence dans l’entreprise est inférieure à huit jours et de seulement 48 heures si sa durée de présence dans l’entreprise est d’une durée supérieure.

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

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Sources : code du travail, et jurisprudences du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr

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Comments

  • BURLET Gérard dit :

    Bonjour,

    Je suis CPH à Lyon, je vous remercie de votre site aussi bien sur la faute grave que l’inaptitude.
    Cordialement.
    G.BURLET