L’autorisation de licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé n’exonère pas l’employeur de sa responsabilité
Dans un arrêt du 29 juin 2017 publié au bulletin de la Cour de cassation, celle-ci indique que : l’autorisation délivré par l’inspecteur du travail de procéder au licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé déclaré inapte à tout poste dans l’entreprise, ne fait pas disparaître la responsabilité de l’employeur lorsque celle-ci résulte d’un manquement à son obligation de sécurité. Jurisprudence de la Cour de cassation.
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Le contexte du licenciement pour inaptitude
Une salariée engagée en qualité de médecin du travail, par une Association de santé au travail interentreprises a été placée en arrêt-maladie à partir de février 2008. A l’issue d’un double examen médical, l’inaptitude à tous les postes de l’entreprise de la salariée a été prononcée. S’agissant d’une salariée bénéficiant d’une protection en raison de son emploi de médecin du travail, l’inspecteur du travail a été amené à examiner une demande d’autorisation de licenciement qu’il a accordé le 31 octobre 2008. Le 12 novembre 2008, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
A la suite, la médecin du travail a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir des dommages-intérêts, pour harcèlement moral et manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.
L’arrêt de la cour d’appel
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, saisie de l’affaire après le conseil de prud’hommes, a relevé que « la salariée avait subi pendant de nombreuses années des changements de secrétaires de plus en plus fréquents, ayant entraîné une désorganisation de son service avec de très nombreux dysfonctionnements et un accroissement de sa charge de travail, [et] que malgré ses nombreuses plaintes, l’employeur n’avait procédé à aucune modification de ses conditions de travail, lesquelles avaient eu des répercussions sur sa santé mentale ».
De ce fait, la cour d’appel a condamné l’employeur au paiement de dommages et intérêts, non pas pour harcèlement, mais pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité et pour la perte d’emploi ainsi qu’au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis (Arrêt du 30 janvier 2015).
Pour prendre cet arrêt, les juges ont fait une stricte distinction entre :
- d’une part, l’autorisation administrative de licencier pour inaptitude donnée par l’inspection du travail à l’employeur,
- et d’autre part, les causes de l’inaptitude ayant conduit à l’impossibilité pour la salariée de conserver son emploi.
Le pourvoi de l’employeur
L’arrêt de la cour d’appel lui étant défavorable, l’employeur a formé un pourvoi en cassation.
Dans le cadre de son pourvoi, l’employeur a développé plusieurs arguments :
- l’indemnisation de la salariée n’aurait été légalement possible que si la cour d’appel avait retenu un harcèlement moral. A défaut (selon l’employeur) l’autorisation administrative de licenciement faisait obstacle à ce que les juges du fond puissent accéder à la demande en réparation du dommage causé par l’inaptitude constatée de la salariée.
- la démonstration par la salariée d’un lien entre le « syndrome dépressif attribué à des difficultés relationnelles au sein du travail, vécues comme une véritable persécution », mentionné dans les certificats médicaux produits, était une démonstration top légère pour justifier une condamnation de l’employeur.
- un salarié ne peut en aucun cas obtenir plusieurs fois l’indemnisation du même préjudice.
- il est impossible d’accorder une indemnité de préavis alors que le licenciement pour inaptitude a été autorisé par l’inspecteur du travail.
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation a écarté les arguments de l’employeur pour rejeter son pourvoi en considérant que :
- « dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l’administration du travail de vérifier que l’inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement » ;
- mais « qu’il ne lui appartient pas en revanche, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral dont l’effet, serait la nullité de la rupture du contrat de travail »
- etque, « ce faisant, l’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations ».
Relevant ensuite que la cour d’appel, « appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, […] a estimé que cet employeur avait commis un manquement à son obligation de sécurité, dont la salariée était fondée à solliciter la réparation […et] était en droit de percevoir, outre une indemnité pour perte d’emploi, une indemnité compensatrice du préavis dont l’inexécution était imputable à l’employeur », la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur (Cour de cassation, chambre sociale, 29 juin 2017, N° : 15-15775).
Conclusion : S’il appartient à l’inspecteur du travail de vérifier que l’inaptitude médicale du salarié est réelle, il ne lui appartient pas de rechercher la cause de cette inaptitude.
Dès lors, la Cour de cassation considère que la compétence exercée par l’inspecteur du travail dans son contrôle ne fait nullement obstacle à ce que le juge judiciaire accède à la demande d’un salarié d’obtenir réparation d’une inaptitude résultant d’un manquement de l’employeur, s’il retient que les éléments de fait et les preuves présentés par le salarié établissent la responsabilité de l’employeur.
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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Le licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé
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Sources : jurisprudence de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr
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