Quelles obligations de reclassement ?

Cour de cassationComment faut-il comprendre l’article L 1226-12 du code du travail ? L’employeur doit toujours faire connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement avant de procéder au licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, même s’il a proposé un poste refusé par le salarié. Par ailleurs, le refus par le salarié déclaré inapte d’un reclassement sur un emploi à temps partiel correspondant aux prescriptions du médecin du travail (alors qu’il était à temps plein) n’est pas abusif. Jurisprudence de la Cour de cassation.

L’origine et le contexte du licenciement pour inaptitude

Un maçon, salarié à temps plein ayant 30 ans d’ancienneté, a eu un accident du travail. A la suite, il s’est vu prescrire un arrêt de travail du 23 août 2005 à fin décembre 2005.  Après deux examens de reprise par le médecin du travail les 2 et 19 janvier 2006 et une convocation à un entretien préalable à un licenciement, son employeur, la société Jocaveil et fils, l’a reclassé en qualité de manutentionnaire et agent de dépôt. Le salarié a occupé ce nouveau poste seulement trois jours du fin février 2006, puis il s’est de nouveau retrouvé en arrêt de travail en raison d’une rechute.

Après deux nouvelles visites à la médecine du travail, les 20 mars et 12 avril 2006, l’ancien maçon a été déclaré « inapte au poste de maçon ainsi que manutentionnaire. Apte à un temps partiel 3 heures par jour maximum, sans contrainte physique, en poste semi assis, semi debout  ». Prenant en compte la préconisation du médecin du travail, l’employeur a proposé au salarié un poste « d’agent de dépôt  » sur la base de 3 heures par jour.

L’ancien maçon à temps plein a refusé l’offre de reclassement en raison de la modification de son contrat de travail qui passait d’un temps complet de 39 heures par semaine à un temps partiel de 15 heures par semaine. Du fait de ce refus, l’employeur a procédé au licenciement pour inaptitude  du salarié. La lettre de licenciement pour inaptitude du 30 juin 2006 indiquait comme motif : « votre refus de poste faisant suite au reclassement par la médecine du travail, en vous rappelant que nous vous avons proposé un poste d’agent de dépôt à temps partiel (15 heures par semaine) sans contrainte physique et approuvé par le docteur  […] en date du 5 mai 2006 ».

Le contentieux : droit de refus du salarié et signification de l’article L 1226-12

Estimant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi la juridiction prud’homale

La décision de la cour d’appel

La cour d’appel considérant que le licenciement du salarié inapte a été prononcé en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail et que le refus du poste de reclassement proposé n’était pas abusif a condamné l’employeur  à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts et à titre de solde d’indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude.

L’argumentation de l’employeur

Contestant l’arrêt de la cour d’appel, l’employeur a présenté un pourvoi auprès de la Cour de cassation. Selon lui, la lettre de licenciement montrait bien qu’il avait recherché et trouvé un poste compatible avec l’aptitude du salarié et que par conséquent l’arrêt de la cour d’appel qui se fonde sur ce que la lettre de licenciement n’énonçait pas « que l’employeur avait recherché un poste de reclassement dénature ladite lettre et viole l’article 1134 du code civil ».

L’employeur relevait, par ailleurs, que le salarié n’avait pas contesté que l’employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, en proposant un reclassement sur un emploi à temps partiel conforme à l’avis du médecin du travail. L’employeur en déduisait qu’en retenant le contraire, la cour d’appel avait méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

Selon l’employeur, le refus par le salarié de l’offre de reclassement était abusif, et par conséquent privatif des indemnités spécifiques (prévues pour le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle), lorsqu’il est fondé sur une opposition au principe de travail à temps partiel prescrit par l’avis du médecin du travail, contre lequel le salarié n’a pas usé du recours administratif qui lui était ouvert et dès lors que l’employeur était obligé de respecter le temps partiel prescrit par le médecin du travail.

Quelle compréhension de l’article L 1226-12, alinéa 1 et 2, du code du travail ?

L’article L 1226-12  alinéa 1 du code du travail indique que « lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement. »

L’article L 1226-12  alinéa 2 du code du travail indique que « l’employeur ne peut rompre le contrat de travail (du salarié déclaré inapte à son emploi) que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions ».

Pour la cour d’appel, le fait que le salarié ait refusé le poste de reclassement qui lui était proposé (en l’espèce pour l’unique raison qu’il passait d’un temps complet à un temps partiel) ne justifiait pas son licenciement. La cour d’appel a en effet considéré (en application de l’alinéa 1) que l’employeur dans l’impossibilité de proposer au salarié un emploi autre que celui pour lequel il a été déclaré inapte, devait faire connaître à celui-ci, par écrit, les motifs qui s’opposent au reclassement.

Selon l’employeur,  l’alinéa 2 autorise au contraire le licenciement d’un salarié déclaré inapte à son emploi, en cas de refus par celui-ci d’une proposition de reclassement faite loyalement et conformément aux prescriptions du médecin du travail, sans que l’employeur soit tenu de procéder à de nouvelles recherches de reclassement. L’employeur considérait que l’obligation prévue à l’alinéa 1 ne s’impose pas à l’employeur qui a proposé au salarié (qui l’a refusé) un reclassement conforme aux recommandations du médecin du travail et que, statuant dans un sens contraire, la cour d’appel avait violé l’article L 1226-12.

La décision de la cour de cassation

La Cour de cassation a approuvé la position de la cour d’appel qui avait « exactement retenu que le refus par le salarié d’un poste proposé par l’employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n’implique pas à lui seul le respect par celui-ci de cette obligation et qu’il lui appartient d’établir qu’il ne dispose d’aucun autre poste compatible avec l’inaptitude du salarié ainsi que de faire connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement avant de procéder au licenciement ». Pour la Cour de cassation, «  la cour d’appel, sans méconnaître les termes du litige, a constaté que l’employeur n’établissait pas qu’il ne disposait d’aucun autre poste disponible compatible avec l’état de santé du salarié ».

Enfin, la cour de cassation a confirmé que le poste de reclassement offert par l’employeur nécessitant une modification du contrat de travail du salarié (emploi de reclassement à temps partiel alors que le salarié avait toujours occupé un emploi à temps plein) :

 – le refus du salarié ne pouvait être abusif ;

– et la cour d’appel en a exactement déduit que le salarié avait droit, d’une part, à l’indemnité prévue à l’article L. 1226-15 du code du travail et, d’autre part, au versement de l’indemnité spéciale de licenciement.

La cour de cassation a donc rejeté le pourvoi de l’employeur.

(Cour de cassation, chambre sociale, 30 novembre 2010, N°: 09-66687)

Conclusion : Le fait pour l’employeur de proposer au salarié déclaré inapte un reclassement, même conforme aux prescriptions du médecin du travail, n’est pas suffisant. L’employeur doit soit proposer un autre emploi de reclassement, soit faire connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.

Le refus d’un reclassement nécessitant la modification de son contrat de travail (parce qu’il implique un passage à temps partiel) par un salarié déclaré inapte n’est pas abusif.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

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Source de la jurisprudence arrêt de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr

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