Le refus du reclassement par le salarié

Le refus du reclassement par le salarié

Le refus du reclassement par le salarié n’est pas fautif. Le salarié inapte est donc en droit de refuser un reclassement. Mais le refus peut être abusif, avec des conséquences sur les indemnités. En outre, le refus d’un seul reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail par le salarié autorise le licenciement. De ce fait, le refus du reclassement par le salarié conduit souvent au licenciement. Ensuite, s’ils sont saisis, les prud’hommes s’assureront du respect des conditions exigées pour qu’une offre de reclassement soit valable. 

Un salarié inapte peut refuser une proposition de reclassement

Refuser un poste en reclassement est toujours possible pour le salarié

Le salarié est en droit de refuser un reclassement. Ce droit s’applique même pour un poste proposé ayant des niveaux de rémunération, de qualification et de  perspectives de carrière similaires à ceux de l’emploi initial. Et même si le contrat de travail du salarié comporte une clause de mobilité. En aucun cas son refus ne sera considéré comme fautif.

En général un salarié ne peut refuser que lorsqu’il y a modification de son contrat de travail. Mais, la Cour de Cassation considère que la seule modification des conditions de travail est suffisante pour qu’un salarié déclaré inapte à son poste puisse refuser un poste en reclassement. Elle a décidé que dans ce cas, il n’y a pas faute. Cette règle est valable que l’origine de l’inaptitude soit professionnelle ou non professionnelle.

Selon la jurisprudence le refus du reclassement n’est pas fautif

La Cour de cassation a indiqué qu’« une faute grave ne peut se déduire du seul refus par un salarié du poste de reclassement proposé par l’employeur ». Et cela, quand bien même le médecin du Travail a déclaré l’aptitude du salarié au poste proposé. Lorsque le salarié refuse un poste qui lui est proposé pour son reclassement, il appartient à l’employeur de « tirer les conséquences du refus du salarié, soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement [ … ] au motif de l’impossibilité du reclassement ».

(Cour de cassation, chambre sociale, 9 avril 2002, N° : 99-44192).

NB : depuis le 1er janvier 2017, le refus par le salarié d’une seule proposition conforme aux indications du médecin du travail suffit à justifier le licenciement (voir plus loin).

Dans le même sens la Cour de cassation a aussi indiqué que « Le refus de la salariée de reprendre son travail sur un poste incompatible avec les préconisations du médecin du travail ne constitue pas une faute » (Cour de cassation, chambre sociale, 23 sept. 2009, N° : 08-42629).

Le refus du reclassement par le salarié conduit souvent au licenciement

Si le salarié est en droit de refuser son reclassement parce que le refus du reclassement n’est pas fautif, son refus conduit le plus souvent au licenciement pour inaptitude.

Le refus de reclassement par le salarié est, véritablement, devenu un motif de licenciement

Par la loi Travail dite loi El Khomri, le législateur a modifié les règles applicables jusque-là (1). Ainsi depuis le 1er janvier 2017, l’employeur est autorisé à rompre le contrat de travail s’il justifie du refus par le salarié d’un emploi dans les conditions prévues aux articles L 1226-2  et L 1226-10. (Articles L 1226-2-1, créé par la loi Travail du 8 août 2016 et L 1226-12 modifié par la même loi).

Pour être sûr, que la jurisprudence ne déforme pas sa volonté, le législateur a précisé que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues aux articles L 1226-2 et L 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail. (Articles L 1226-2-1 et L 1226-12 du code du travail).

Jusque-là, la volonté du législateur n’était pas très claire. C’est pourquoi, la Cour de cassation considérait que l’employeur devait tirer les conséquences du refus d’un reclassement par le salarié déclaré inapte, en formulant de nouvelles propositions compatibles avec les conclusions du médecin du travail. C’était seulement si un reclassement n’était pas possible, que l’employeur pouvait procéder au « licenciement pour inaptitude, refus de reclassement et impossibilité de reclassement du salarié ». L’impossibilité de reclassement devait être prouvée en cas de contentieux.

Des conditions doivent être respectées pour que le refus du reclassement autorise le licenciement

Les conditions pour que le refus du reclassement par le salarié autorise le licenciement, sont que l’emploi proposé :

  • soit approprié à ses capacités ;
  • prenne en compte, après avis des membres du comité social et économique lorsqu’il en existe un dans l’entreprise, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise ;
  • et soit aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé. Au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants, ou aménagement du temps de travail.

 (Articles L 1226-2 et  L 1226-10 du code du travail).

La jurisprudence à venir

Il faut cependant prévoir que la Cour de cassation et toute la justice prud’homale veilleront attentivement au respect des conditions (ci-dessus) posées par les articles L 1226-2 et L1226-10 du code du travail, lorsque l’employeur aura licencié un salarié inapte suite à un seul refus de reclassement.

Contentieux faisant suite à des licenciements pour inaptitude intervenus avant fin 2016

Tous les contentieux faisant suite à des licenciements intervenus avant la fin de 2016, seront basés sur la législation antérieure à la loi Travail et l’interprétation qu’en a donné la Cour de cassation au travers de sa jurisprudence : l’employeur devait tirer les conséquences du refus d’un reclassement par le salarié déclaré inapte, en formulant de nouvelles propositions compatibles avec les conclusions du médecin du travail. Et il ne pouvait licencier qu‘en cas d’impossibilité de reclassement du salarié.

A moins que la cour de cassation ne fasse évoluer sa jurisprudence antérieure. Notons que dans deux arrêts du 23 novembre 2016 de la Cour de cassation a considéré que l’employeur  pouvait tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, pour justifier de l’impossibilité de reclassement (en l’espèce refus de postes en raison d’un éloignement du domicile). A croire que la volonté réformatrice du législateur, voulant mettre fin à la recherche excessive d’un reclassement impossible, a influencé la Cour de cassation !

L’employeur reste libre de faire d’autres propositions

Par ailleurs, rien n’interdira à l’employeur de proposer d’autres emplois de reclassement au salarié inapte ayant refusé une première proposition. Quand bien même la validité de cette proposition serait incontestable. L’employeur peut, en effet, préférer reclasser le salarié, plutôt que de le licencier.

Un refus du reclassement par le salarié peut aussi être jugé abusif

Si le refus d’un reclassement n’est pas fautif, la cour de cassation a considéré que le refus sans motif légitime par un salarié, d’un « poste approprié à ses capacités et comparable à l’emploi précédemment occupé [ … ] peut revêtir un caractère abusif ». Dans ce cas,  cela va « entraîner la privation du bénéfice des indemnités spécifiques de rupture de l’article [ L 1226-14 ] du code du travail ».

(Cour de cassation, chambre sociale, 20 février 2008, N° : 06-44867 et 06-44894).

Définition du refus de reclassement abusif et de ce qui ne l’est pas

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Le refus de  reclassement abusif

Un refus de reclassement est abusif lorsque, à la fois :

  • il est conforme aux préconisations du médecin du travail ;
  • n’entraîne aucune modification substantielle de son contrat de travail, ni même de ses conditions de travail ;
  • et que les nouvelles fonctions tiennent compte de ses capacités et sont les plus proches possibles des précédentes *.

*On parle aussi de fonctions « comparables ». Les nouvelles fonctions doivent être en rapport avec les précédentes.

Le refus de  reclassement non-abusif

Selon la jurisprudence, un refus de reclassement n’est pas abusif, lorsque le reclassement aurait :

  • amené le salarié à travailler dans des conditions interdites par le médecin du travail.
  • nécessité une modification du contrat de travail (concernant notamment l’un ou plusieurs de ces éléments : baisse de la rémunération ; diminution du coefficient hiérarchique ; passage à temps partiel ; réduction d’horaires ; changement du lieu de travail sauf si prévu au contrat ; changement de fonctions…). Même si la modification est imposée par l’avis médical.
  • conduit le salarié à prendre des fonctions complètement différentes de l’emploi occupé avant l’inaptitude.

Conséquence d’un refus de reclassement abusif par par le salarié

Le caractère abusif d’un refus fait perdre le bénéfice des indemnités spéciales prévues par l’article L 1226-14 du code du travail. Mais le salarié conserve le bénéfice de l’indemnité légale de licenciement, ou le cas échéant de l’indemnité conventionnelle. (Cour de Cassation, chambre sociale, 23 janv. 2001, N° : 98-40651 et 99-41923). Les indemnités spéciales de l’article L 1226-14 concerne les salariés en inaptitude professionnelle.

Le caractère abusif d’un refus de reclassement a donc des conséquences indemnitaires pour les salariés dont l’inaptitude est d’origine professionnelle. Mais, il n’en a pas pour ceux dont l’inaptitude est d’origine non-professionnelle.

Le comportement du salarié peut aussi, dans certains cas, être fautif

Le caractère abusif d’un refus de reclassement par un salarié ayant été déclaré inapte à son poste de travail, ne justifie pas un licenciement pour faute grave. (Cour de cassation, chambre Sociale, 25 mai 2011, N° : 09-71543).

Par contre, un comportement fautif du salarié peut être sanctionné par un licenciement pour faute grave. La Cour de cassation a ainsi considéré qu’un salarié devant être reclassé pour inaptitude « dont le contrat de travail n’était pas suspendu, qui n’était pas en congé, qui percevait son salaire, qui était soumis au pouvoir de direction de l’employeur », qui refuse de se rendre aux convocations devant le médecin du travail dans le cadre de la recherche de son reclassement commet une faute grave. (Cour de cassation, chambre sociale, 22 juin 2011, N°: 10-30415).

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Accès à la page 1 du site : Licenciement pour inaptitude

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

(1) Tous les contentieux faisant suite à des licenciements intervenus avant la fin de 2016, étaient basés sur la législation antérieure à la loi Travail et son interprétation par la Cour de cassation. En cas de refus de reclassement, l’employeur devait tirer les conséquences du refus d’un reclassement par le salarié inapte… en formulant de nouvelles propositions. Celles-ci devaient aussi être compatibles avec les conclusions du médecin du travail. Et il ne pouvait licencier pour inaptitude qu‘en cas d’impossibilité de reclassement du salarié.

Cependant, dans deux arrêts du 23 novembre 2016, la Cour de cassation a considéré que l’employeur pouvait tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, pour justifier de l’impossibilité de reclassement. En l’espèce, les refus de postes étaient motivés par l’éloignement du domicile. A croire que la Cour de cassation avait été influencée par la réforme législative qui venait d’être votée. Et qui avait pour objectif de mettre fin à la recherche excessive d’un reclassement impossible !

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Questions/réponses concernant le refus de reclassement par le salarié

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Est-ce que ce refus de reclassement peut être considéré comme abusif ? Si oui quelles en seraient les conséquences ? Qui détermine le caractère abusif ?

 Le refus du reclassement par le salarié - Question Géraldine

Bonjour,

Je suis en cours de procédure d’inaptitude pour mon poste antérieur. Mon employeur me propose un reclassement sur un nouveau poste qui ne convient pas. Mais qui répondra à l’avis d’inaptitude déclaré par le médecin du travail. Est-ce que ce refus peut être considéré comme abusif ? Si oui quelles en seraient les conséquences ? Qui détermine le caractère abusif ?

 Le refus du reclassement par le salarié - Réponse Admin

Un refus de reclassement par le salarié peut être abusif

Bonjour,

Si vous refusez un poste votre employeur devra vous en proposer un autre. [NDLR : réponse apportée avant la modification intervenue début 2017]. Ou si c’est impossible il pourra procéder à votre licenciement pour inaptitude.

Le refus de reclassement par le salarié inapte peut être considéré comme abusif lorsque ce refus est sans motif légitime et concerne un poste approprié à ses capacités et comparable à l’emploi précédemment occupé. Il n’est pas abusif, notamment, de refuser une diminution de salaire ou du coefficient hiérarchique. Il revient à l’employeur de prendre ses responsabilités en qualifiant ou non le refus du salarié d’abusif. Le salarié, s’il conteste que son refus soit abusif, peut saisir la justice prud’homale, qui aura le dernier mot. Mais, ce sera le plus souvent après examen en appel et quelquefois pourvoi en cassation.

Ceci étant, le caractère abusif, ou non, du refus n’a d’importance que s’il s’agit d’un licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle. A ce sujet, je vous conseille de relire l’article ci-dessus.

Bien sûr, c’est à vous de décider si vous préférez refuser votre reclassement et être licenciée pour inaptitude, mais je me permets d’attirer votre attention sur l’intérêt qu’il y a pour un salarié inapte à son poste de bien réfléchir avant de refuser un reclassement. Car les allocations de chômage ne sont pas éternelles. Et il est souvent très difficile de retrouver un emploi (voir le commentaire de Christelle sur l’article chômage).

Bien cordialement.

NDLR :

Cette question et la réponse apportée sont antérieures à la loi Travail entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Avec la nouvelle législation, l’employeur peut rompre le contrat de travail s’il justifie du refus par le salarié d’un reclassement dans les conditions prévues aux articles L 1226-2  et L1226-10.

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Sources : code du travail et jurisprudences de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr

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