Nullité d’une rupture amiable

Jurisprudence de la Cour de cassationSelon une jurisprudence ancienne relatée ci-dessous toute rupture amiable entre le salarié et l’employeur, éludant l’application des obligations consécutives à un avis d’inaptitude était frappée de nullité. Jusqu’en 2019, cette jurisprudence conduisait à considérer que la rupture conventionnelle était illégale pour un salarié médicalement inapte. Mais, dans un arrêt du 9 mai 2019, la Cour de cassation a décidé que, sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle est possible pour un salarié déclaré inapte.

Mise à jour pour tenir compte de la jurisprudence du 9 mai 2019 (Cour de cassation, chambre sociale, N° : 17-28767).

Le contexte de l’inaptitude et de l’accord de rupture amiable

Un salarié engagé comme chef comptable depuis septembre 1976, s’est trouvé en arrêt de travail pour maladie à compter du 1er novembre 1991. La Caisse primaire d’assurance maladie lui a reconnu une  invalidité 2e catégorie, avec attribution de la  pension correspondante, le 15 octobre 1993.

Le médecin du Travail l’a reçu en visite de reprise du travail le 15 novembre 1993 et le 13 décembre 1993 et a prononcé un avis d’inaptitude, lors de la seconde visite. Le médecin du travail a précisé sur la fiche médicale indiquant l’inaptitude : «  inapte à ce poste de travail – apte à un travail sédentaire dans des horaires normaux (travail d’exécutant) contre-indication de responsabilité impliquant stress et surmenage ainsi qu’à tout travail impliquant des efforts physiquement pénibles ».

Plutôt que de rechercher une solution de reclassement et à défaut d’en trouver une de licencier le salarié pour inaptitude, l’employeur s’est entendu à l’amiable avec le salarié. C’est ainsi que le 4 mai 1994, l’employeur et le salarié ont signé un protocole prévoyant la rupture d’un commun accord.

Le contentieux sur l’accord de rupture amiable

Un contentieux a été engagé pour remettre en cause cet accord de rupture amiable et la non application des obligations prévues par la procédure consécutive à une déclaration d’inaptitude.

L’arrêt de la cour d’appel

Pour la cour d’appel le protocole d’accord fait la loi des parties et doit donc recevoir application. Selon la cour d’appel, les parties (employeur et salarié) concluant un contrat de travail peuvent décider d’y mettre fin d’un commun accord, en se limitant à organiser la cessation de leurs relations de travail (1). Pour la cour d’appel le protocole d’accord fait la loi des parties et doit donc recevoir application. La Cour d’appel de Bordeaux a conclu dans son arrêt que les parties ont, en l’espèce, d’un commun accord et définitivement, renoncé à toute relation de travail, tout en organisant les conditions pécuniaires de la cessation de cette relation (arrêt du 9 mars 1999).

Un pourvoi en cassation a été formé en s’appuyant sur l’article L 122-24-4 du Code du travail (2). Les dispositions de ce texte prescrivent notamment qu’après une déclaration d’inaptitude prononcée par le médecin du travail,

  • l’employeur est tenu de proposer au salarié un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail (voir l’obligation de reclassement),
  • et que lorsque le salarié n’est pas reclassé dans l’entreprise à l’expiration du délai d’un mois ou s’il n’est pas licencié, l’employeur est tenu de reprendre le paiement du salaire.

Ces obligations  excluent la possibilité pour les parties de signer une rupture d’un commun accord du contrat de travail, qui aurait pour effet de ne pas les appliquer.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation a considéré que la Cour d’appel de Bordeaux avait violé l’article cité l’article du code du travail, puisque la Cour considérait [à l’époque] que la résiliation d’un commun accord était illégale après un avis d’inaptitude.

En conséquence, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 9 mars 1999 par la cour d’appel de Bordeaux (Cour de cassation, chambre sociale, mardi 12 février 2002, N°: 99-41698).

Conclusion : Avant la nouvelle jurisprudence de 2019, les dispositions de l’article L. 122-24-4 du Code du travail (2) qui prévoient qu’après une déclaration d’inaptitude prononcée par le médecin du travail :

  • d’une part l’obligation [de recherche par l’employeur] d’un  reclassement,
  • et d’autre part que si le salarié n’est ni reclassé à l’expiration du délai d’un mois ni licencié, l’employeur est tenu de reprendre le paiement du salaire,

semblaient exclure la possibilité pour les parties de signer une rupture d’un commun accord du contrat de travail ayant pour effet d’échapper à ces obligations. La création par la loi du 25 juin 2008 de la rupture conventionnelle du CDI, n’avait rien changé.

La Cour de cassation a admis en 2014, que, « sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l’espèce, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue […] au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle » (Cour de cassation, chambre sociale, 30 septembre 2014, N°: 13-16297). Un doute était créé sur la possibilité d’une rupture conventionnelle pour un salarié en inaptitude, mais personne n’osait conseiller de tenter.

Se reporter à l’article sur  le licenciement amiable pour en savoir plus sur les différentes formes de ruptures amiables.

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

(1) La cour d’appel a souligné la différence de ce type de protocole d’accord de rupture du contrat de travail, avec la transaction après une rupture du contrat de travail, qui a pour objet de mettre fin par des concessions réciproques à toute contestation née ou à naître résultant de cette rupture.

(2) Version en vigueur du 1 janvier 1993 au 12 février 2005, abrogée au 1 mai 2008, mais dont les dispositions ont été reprises en  2008 dans les articles L 1226-2 à L 1226-4 et L 1226-10 à L 1226-12 du Code du travail).

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Sources : code du travail et  jurisprudence arrêt de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr

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