Obligation de reclassement en télétravail

obligation de reclassement en télétravail

Un employeur ne peut pas écarter le reclassement en télétravail d’un salarié médicalement inapte, au seul motif qu’il n’a pas mis en place de télétravail. Et il doit notamment prendre en compte les préconisations et indications du médecin du travail. Jurisprudence de la Cour de cassation du 29 mars 2023.

Le contexte de l’inaptitude, du non reclassement en télétravail et du licenciement

Une salariée a été engagée en qualité de secrétaire médicale par une association de santé au travail, en novembre 1982. En dernier lieu, elle exerçait les fonctions d’assistante coordinatrice d’équipe pluridisciplinaire.

Elle a été victime d’une sclérose en plaques constatée en juin 2008. Celle-ci a plus tard été reconnue comme accident du travail à compter de décembre 2010. Par contre, le tribunal des affaires de sécurité sociale a jugé irrecevable la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur (mai 2015).

Après deux examens médicaux en février 2016, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste. Et il a précisé que la salariée « pourrait occuper un poste administratif sans déplacement et à temps partiel (2 j /semaine) en télétravail avec aménagement du poste approprié ». 

Malgré cette indication du médecin du travail, l’employeur a considéré qu’un reclassement était impossible. De ce fait, il a licencié la salariée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 7 décembre 2016.

Le contentieux sur le non reclassement en télétravail

La salariée a saisi le Conseil des prudhommes de Créteil de diverses demandes. Celui-ci a débouté la salariée de sa demande de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mais il lui a accordé des dommages et intérêts pour « recherche insuffisante de reclassement ». (Jugement du 9 octobre 2018).

Insatisfait du jugement de première instance, l’employeur a fait appel.

La Cour d’appel a rappelé que, contrairement à ce que soutenait l’employeur, le salarié est en droit de contester le caractère réel et sérieux de son licenciement devant la juridiction prud’homale. Même lorsque la faute inexcusable de l’employeur n’est pas retenue, sur le plan de la législation des accidents du travail. Ensuite, la cour constatant :

  • que l’employeur ne justifiait pas d’une recherche sérieuse et loyale de reclassement. Notamment du fait de la non prise en compte des indications du médecin du travail sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.
  • et que les délégués du personnel n’avaient pas été dûment et loyalement consultés, mais seulement informés,

a dit que le licenciement ne pouvait pas être considéré comme reposant sur une cause réelle et sérieuse.

La cour a condamné l’employeur aux sommes dues du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par contre, elle a annulé les dommages et intérêts « pour recherche insuffisante de reclassement ». Car ils avaient été attribués par le conseil des prud’hommes, sans que la salariée les ait demandés.

(Arrêt de la Cour d’appel de paris, 3 février 2021 N° : 18/11873)

Le pourvoi en cassation

A nouveau insatisfait, l’employeur a formé un pourvoi en cassation.

Selon l’employeur :

  1. L’obligation de reclassement ne porte que sur des postes disponibles existant au sein de l’entreprise. Donc, l’employeur n’est pas tenu de créer spécifiquement un poste adapté aux capacités du salarié.
  2. Par conséquent, l’employeur ne peut se voir imposer de reclasser le salarié sur un poste en télétravail, que si le télétravail a été mis en place au sein de l’entreprise

Par ailleurs, l’employeur affirmait que le télétravail n’était pas compatible avec son activité qui requiert le respect du secret médical. Et que la Cour d’appel n’avait pas recherché, comme elle y était invitée, si le télétravail avait été mis en place au sein de l’entreprise.

Enfin, l’employeur faisait valoir qu’il avait adressé un courrier en recommandé à la salariée, afin qu’elle lui adresse son CV à jour pour lui permettre de rechercher son reclassement. Et que la salariée n’avait pas daigné répondre. La cour d’appel aurait eu tort de juger que l’employeur ne justifiait pas d’une recherche sérieuse et loyale de reclassement, sans répondre sur l’absence totale de coopération de la salariée.

La Cour de cassation a rappelé l’obligation de reclassement approprié sauf impossibilité

La Cour de cassation a rappelé que :

  1. Aux termes de l’article L. 1226-10 du code du travail, lorsque le médecin du travail a déclaré un salarié inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités.
  2. Cette proposition doit prendre en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise.
  3. Selon l’article L. 1226-12 du même code, lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.
  4. L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions que prévoit l’article L. 1226-10, soit du refus de l’emploi de reclassement respectant ces conditions par le salarié.
  5. Il appartient à l’employeur de proposer au salarié, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé. Et cela, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail. Au besoin en mettant en œuvre : mutations, transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail…

Les juges de la Cour de cassation ont, par ailleurs constaté :

  • Que l’arrêt d’appel avait relevé que le médecin du travail était parfaitement clair dans l’avis d’inaptitude du 17 février 2016 sur les dispositions à mettre en œuvre de nature à permettre à la salariée de conserver son emploi. En précisant qu’elle pourrait occuper un poste administratif, sans déplacement, à temps partiel, en télétravail à son domicile avec aménagement de poste approprié et en confirmant cet avis le 7 juin 2016 en réponse aux questions de l’employeur.
  • Que la salariée occupait en dernier lieu un poste de « coordinateur », dont les missions ne supposaient pas l’accès aux dossiers médicaux et étaient susceptibles d’être pour l’essentiel réalisées à domicile en télétravail et à temps partiel comme préconisé par le médecin du travail.
  • Et que la cour d’appel en a déduit que l’employeur n’avait pas loyalement exécuté son obligation de reclassement, sans être tenue aux recherches demandées par l’employeur, dès lors que l’aménagement d’un poste en télétravail peut résulter d’un avenant au contrat de travail.

Décision :

La Cour de cassation en a conclu que la cour d’appel a légalement justifié sa décision en ce qu’elle a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

(Cour de cassation, Chambre sociale, 29 mars 2023, N° : 21-15472)

Conclusion : 

L’employeur doit loyalement proposer au salarié un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. Cela en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail. L’employeur ne peut pas écarter le reclassement en télétravail, au motif qu’il ne l’a pas mis en place au sein de l’entreprise.

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Sources : Jurisprudences de la Cour de cassation du 29 mars 2023, N° : 21-15472 – Légifrance.gouv.fr. Arrêt de la Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – chambre 10, 3 février 2021, N° 18/11873. Articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail.

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