Manquement de l’employeur ayant causé l’inaptitude

Licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse

Manquement de l’employeur ayant causé l’inaptitude = Licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse  - Cour de cassation, chambre sociale 3 mai 2018La Chambre sociale de la Cour de cassation indique dans deux arrêts du 3 mai 2018, de très grande importance, qu’est dépourvu de cause réelle et sérieuse un licenciement pour inaptitude lorsque l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur. Peu importe que le licenciement soit fondé sur une inaptitude régulièrement constatée par le médecin du travail et une impossibilité de reclassement, s’il trouve en réalité sa cause véritable dans un manquement de l’employeur.

Divergences entre les juridictions prud’homales quand un manquement de l’employeur est invoqué

L’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale. La juridiction prud’homale est de son côté compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail.

Dans ces conditions, la juridiction prud’homale peut-elle se prononcer sur le caractère réel et sérieux d’un licenciement pour inaptitude, lorsque le salarié invoque un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ? La réponse n’était pas claire et il en résultait des jugements et arrêts contradictoires. Deux affaires que la Cour de cassation a décidé d’examiner le même jour illustraient cela et lui ont permis s’apporter la clarification nécessaire.

Première affaire (pourvoi N° : 16-26850)

Dans une première affaire, un salarié engagé en février 2001par un artisan comme couvreur a été victime, le 8 avril 2005, d’un accident du travail. La juridiction de sécurité sociale a dit que cet accident était dû à la faute inexcusable de l’employeur et a déterminé les préjudices subis par le salarié.

Le 23 octobre 2013, le salarié a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, après application de la procédure.

Après son licenciement pour inaptitude, le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour faire reconnaître  que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse du fait de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité. Ce salarié voulait ainsi obtenir l’indemnisation du préjudice consécutif à la rupture.

La Cour d’appel de Caen a débouté le salarié au motif que sa demande tendait à la réparation d’un préjudice né de l’accident du travail (arrêt de la Cour d’appel de Caen du 30 septembre 2016).

Le salarié a décidé de se pourvoir en cassation.

Seconde affaire (pourvoi N° : 17-10306)

Dans une seconde affaire, une salariée engagée en novembre 2000 en qualité d’agent de maîtrise par la société Grimen, exerçant sous l’enseigne Leclerc, a été victime d’un accident du travail survenu le 4 août 2010. Le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste le 10 mai 2011. A la suite la salariée a été licenciée  le 6 juin 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La salariée ayant saisi la juridiction de sécurité sociale, celle-ci s’est prononcé et a rejeté la demande de la salariée tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur (arrêt du 14 avril 2014).

La salariée a également saisi la juridiction prud’homale en présentant une demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en faisant valoir que son inaptitude découlait d’un manquement à l’obligation de sécurité.

A l’encontre de la demande de la salariée,  l’employeur a soutenu que celle-ci relevait du tribunal des affaires de sécurité sociale.

La Cour d’appel d’Agen a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par l’employeur et l’a condamné à verser des dommages-intérêts à la salariée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Arrêt de la Cour d’appel d’Agen, du 8 novembre 2016).

L’employeur a formé à la suite un pourvoi en cassation, en faisant grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir rejeté l’exception d’incompétence.

La Cour de cassation a défini une ligne claire pour les juridictions prud’homales quand un manquement de l’employeur est invoqué

La chambre sociale de la Cour de cassation a accordé une importance particulière à ces deux affaires et a fortement communiqué sur la clarification apportée par ses arrêts.

Dans la première affaire, donnant satisfaction au salarié, la Cour de cassation a décidé de casser et annuler l’arrêt de la cour d’appelen ce qu’il rejetait la demande en paiement d’une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail.

Dans la seconde affaire, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur.

La Cour de cassation a rappelé et précisé la règle de répartition des compétences entre les juridictions de la sécurité sociale et prud’homale et décidé clairement de la position à tenir par les juridictions prud’homales lorsqu’un manquement de l’employeur a causé l’inaptitude du salarié.

La juridiction prud’homale doit limiter une indemnisation aux conséquences de la rupture abusive ou illicite du contrat de travail. C’est, en effet, la juridiction de la sécurité sociale qui est compétente pour le reste (1). Le juge prud’homal doit faire application des sanctions prévues par le code du travail en cas de rupture abusive ou illicite du contrat de travail.

La Cour de cassation a décidé « qu’est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée ». Lorsque tel est le cas, « le licenciement, même s’il est fondé sur une inaptitude régulièrement constatée par le médecin du travail [et une impossibilité de reclassement], trouve en réalité sa cause véritable dans ce manquement de l’employeur ».

Cette position de la Cour de cassation n’est pas nouvelle, mais elle est désormais affirmée avec force par la chambre sociale. Elle « doit être reliée au principe selon lequel il incombe aux juges du fond de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement » indiqué depuis 20 ans.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

Sources : jurisprudences de la Cour de cassation du 3 mai 2018, N° : 16-26850 et 17-10306 – Légifrance.gouv.fr et note explicative de la Cour de cassation relative aux arrêts de la Chambre sociale – courdecassation.fr

(1) L’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale.

La rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle indemnise, à la fois, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité et le déficit fonctionnel permanent. Ainsi, la perte tant de l’emploi que des droits à la retraite (même consécutive à un licenciement pour inaptitude), est réparée par l’application des dispositions du code de la sécurité sociale.

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