Refus de reclassement fautif

Cour de cassationQuelle est la conséquence du refus d’une proposition de reclassement n’emportant pas modification du contrat de travail par un salarié faisant l’objet d’une inaptitude  partielle ? Le refus d’un reclassement qui ne nécessitait pas la modification du contrat de travail par un salarié et/ou abusif peut-il relever de la faute ? Suite à une inaptitude, un licenciement pour faute grave peut-il être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse. Jurisprudence de la Cour de cassation.

Le contexte de l’inaptitude et du licenciement

Un salarié, employé par la société Bisontine de produits pétroliers avait fait l’objet d’un avis d’inaptitude partielle par la médecine du travail. L’employeur avait voulu reclasser le salarié sur les activités pour lesquelles il était toujours apte. L’employé refusant s’était vu notifier deux avertissements par l’employeur.  Persistant dans son refus, le salarié a fait l’objet d’un licenciement pour faute grave le 26 mai 1998.  La lettre de licenciement faisait grief au salarié d’avoir refusé la proposition de reclassement.

Le contentieux suite au licenciement

A la suite de son licenciement le salarié a saisi la justice prud’homale. La faute grave a été écartée, mais le salarié n’a pas pleinement obtenu satisfaction devant la cour d’appel.

Selon la cour d’appel, le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse

La Cour d’appel de Versailles (20 décembre 2001) a jugé que le licenciement dont le salarié  avait fait l’objet était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a, en conséquence, débouté celui-ci de ses demandes tendant ce que soit dit abusif la rupture de son contrat de travail et à voir fixer en conséquence sa créance à l’encontre de son employeur.

Le pourvoi en cassation du salarié

Insatisfait de l’arrêt de la Cour d’appel, le salarié a formé un pourvoi en cassation aux motifs que :

  1. le licenciement pour faute grave ayant un caractère disciplinaire, la cour d’appel, en écartant la faute grave invoquée par l’employeur pour requalifier la faute grave en cause réelle et sérieuse, sans caractériser une quelconque faute du salarié, aurait  violé les règles légales.
  2. le licenciement ayant été prononcé pour un motif disciplinaire, le juge, tenu par les termes de la lettre de licenciement, aurait dû se limiter à rechercher, si le fait reproché au salarié constitue une faute. Or, selon le salarié, cela n’aurait pas été le cas, la lettre de licenciement n’ayant visé que son seul refus de procéder au lavage des voitures.
  3. qu’enfin, les faits reprochés pour justifier le licenciement ayant déjà été sanctionnés par des avertissements dans le cadre d’une procédure disciplinaire, ne pouvaient pas être ultérieurement invoqués par l’employeur à l’appui d’une décision de licenciement.

Un arrêt intéressant de la Cour de cassation

La cour de cassation a considéré en premier lieu, que contrairement aux affirmations du salarié, la lettre de licenciement faisait grief au salarié d’avoir refusé la proposition de reclassement faite par l’employeur et non seulement son refus de procéder au lavage des voitures.

La cour de cassation, ensuite, a considéré « qu’après avoir fait ressortir que la proposition de reclassement faite par l’employeur à la suite de l’avis d’inaptitude partielle délivré par le médecin du travail n’emportait pas modification du contrat de travail, et que le refus de cette proposition par le salarié était abusif ». De cela, la Cour de cassation en a conclu que «  la cour d’appel a pu décider que le refus du salarié de remplir ses obligations contractuelles constituait une faute ».

La cour de cassation a, enfin, relevé que la Cour d’appel de Versailles avait retenu que le salarié avait persisté, malgré deux avertissements antérieurs, dans son refus d’exécuter le travail demandé, pour dire le dernier moyen (3éme argument du salarié) non fondé.

La cour de cassation a donc rejeté le pourvoi  du salarié (Cour de cassation, chambre sociale, 12 janvier 2005, N° : 02-44643).

Conclusion : Dans cette affaire, la Cour de cassation a indiqué qu’un refus de reclassement par un salarié partiellement inapte, sans modification du contrat de travail ET abusif permettait de dire que le refus du salarié de remplir ses obligations contractuelles constituait une faute. La Cour de cassation n’a donc pas dit que la seule absence de modification du contrat de travail rendait le refus fautif.

La Cour de cassation a accepté  dans cette affaire pour laquelle une contradiction avec l’avis médical n’apparaissait pas, que le licenciement ait été placé dans le domaine de la faute. Elle a même choisi d’y rester de manière explicite. La faute grave avait été écartée par les juges avant l’examen par la Cour de cassation.

Attention, il faut savoir que la position de la Cour de cassation a été  différente dans d’autres affaires (Cour de cassation, chambre sociale, 24 mai 2005, N° : 02-46785 et Cour de cassation, chambre sociale, 25 mai 2011, N° : 09-71543)… Par ailleurs la faute grave étant écartée et le caractère abusif du refus de reclassement par le salarié établi, le résultat en terme d’indemnité est le même que celui d’un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement après un refus abusif de reclassement. Le choix de la voie disciplinaire ne doit donc pas être retenu, malgré ce cas d’espèce.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

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Source de la jurisprudence arrêt de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr

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