Difficulté à contester le caractère professionnel

Difficulté pour les employeurs de contester le caractère professionnel de l’inaptitude


Jurisprudence de la Cour de cassation
Le seul fait que l’employeur ait connaissance du fait que l’inaptitude d’un salarié a, au moins partiellement, une origine professionnelle, suffit pour qu’il doive appliquer les règles protectrices des victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Il y a une grande difficulté à contester le caractère professionnel de l’inaptitude pour les employeurs. Le juge du fond apprécie souverainement les éléments de fait et de preuve sur l’origine de l’inaptitude et sur sa connaissance par l’employeur. Jurisprudence de la Cour de cassation.

Le contexte de l’inaptitude et du licenciement pour inaptitude

Engagé en novembre 1974, en qualité de directeur technique et commercial et ayant occupé comme dernier poste celui de directeur général – fondé de pouvoir, le salarié a eu un malaise sur les lieux du travail le 19 mai 2004. A la suite il a été en arrêt de travail pour maladie du 24 mai 2004 au 21 août 2004, puis a repris le travail.

Quatre mois et demi après sa reprise du travail, le 3 janvier 2005, le salarié a saisi la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Sarreguemines d’une demande en reconnaissance du caractère professionnel du malaise survenu sur le lieu du travail sept mois et demi plus tôt. Le 18 mai 2005, la CPAM a reconnu le caractère professionnel de l’accident.

Après deux examens médicaux, les 30 mai et 13 juin 2005, le salarié a fait l’objet d’un avis d’inaptitude par le médecin du travail. Le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 29 juin 2005, sans que l’employeur retienne de caractère professionnel à l’inaptitude.

Contentieux et décision de la Cour de cassation

L’ancien directeur général salarié a saisi la juridiction prud’homale.

La Cour d’appel a dit que l’inaptitude de l’ancien directeur général était consécutive à un accident du travail, que l’employeur avait manqué à son obligation de reclassement et que le licenciement était sans cause réelle ni sérieuse. Par suite, la cour d’appel a condamné l’employeur à verser diverses sommes. (Cour d’appel de Metz, du 27 janvier 2009).

L’employeur contestant l’arrêt de la cour d’appel a engagé un pourvoi devant la Cour de cassation.

L’argumentation mise en avant par l’employeur dans son pourvoi en cassation

L’employeur a rappelé que les règles légales protectrices des salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne sont applicables que si l’inaptitude physique du salarié qui motive son licenciement résulte de cet accident ou de cette maladie. Dans le cas d’espèce, l’employeur a mis en exergue :

-le fait que la déclaration d’accident du travail date du 5 janvier 2005, soit plus de six mois après l’accident, qui serait intervenu le 19 mai 2004 ;

-le fait que les arrêts de travail pendant la période du 24 mai 2004 au 21 août 2004, ne faisaient nullement état d’un éventuel accident du travail ;

-et qu’enfin le salarié avait repris le travail du 27 août au 11 octobre 2004, soit postérieurement à l’accident invoqué par le salarié.

L’employeur en concluait qu’en n’examinant pas si ces circonstances n’étaient pas de nature à remettre en cause l’existence d’un lien de causalité entre l’accident du travail et l’inaptitude du salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Par ailleurs, l’employeur a fait grief à la cour d’appel d’avoir -selon lui- estimé que l’existence d’un tel lien se déduisait exclusivement du courrier du médecin du travail précisant que la reprise avait été effectuée « suite à un arrêt pour accident de travail », alors que les juges prud’homaux sont tenus de rechercher l’existence d’un lien de causalité entre l’accident du travail et l’inaptitude, sans pouvoir s’en remettre à l’appréciation portée par d’autres institutions sur le caractère professionnel ou non de l’accident ou de la maladie.

Selon l’employeur pour condamner l’employeur au paiement des indemnités les juges ne peuvent se contenter de retenir l’origine professionnelle de l’affection et qu’en l’espèce, ils se sont s’abstenu de préciser en quoi l’accident dont se prévalait le salarié constituait un accident du travail.

Concernant l’obligation de reclassement, selon l’employeur, le fait que le salarié ait manifesté la volonté de quitter l’entreprise en présentant une demande en résiliation judiciaire de son contrat avec effet au jour de la saisine du conseil des prud’hommes, plus d’un mois avant son licenciement rendait son reclassement impossible. Ceci devant (toujours selon l’employeur) faire considérer qu’il avait satisfait à son obligation de reclassement.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation a, en premier lieu, rappelé « que les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ».

La Cour de cassation a ensuite dit « que la cour d’appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, procédant à la recherche prétendument omise et sans se limiter à un courrier du médecin du travail, a constaté tant l’existence d’un lien entre l’inaptitude déclarée par le médecin du travail et l’accident du travail que la connaissance par l’employeur de ce lien ».

La cour de cassation a ensuite relevé que la cour d’appel avait constaté, « par un motif non critiqué par le moyen, que l’employeur n’avait [ni] sollicité ni recueilli l’avis des délégués du personnel sur le reclassement du salarié avant de procéder à son licenciement ni procédé à une recherche effective au sein de l’entreprise par des mesures telles que mutations, adaptations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ».

La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi (Cour de cassation, chambre sociale, 26 janvier 2011, N°: 09-41358).

Conclusion : La Cour de Cassation estime que les règles protectrices des victimes d’accident du travail ou d’une maladie professionnelle doivent trouver application, dès lors que l’employeur avait connaissance du fait que cette inaptitude avait au moins partiellement, une origine professionnelle. Dans cette jurisprudence du 26 janvier 2011, l’employeur (s’appuyant notamment sur la déclaration très tardive en accident du travail par le salarié, plus de cinq mois après sa reprise du travail) contestait le lien entre l’accident et l’inaptitude du salarié. Mais la Cour de cassation ne remet pas en cause l’appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par la cour d’appel, juge du fond.

Le fait que le salarié ait manifesté sa volonté de quitter l’entreprise en présentant une demande en résiliation judiciaire de son contrat n’entraîne nullement la suppression de l’obligation de recherche d’un reclassement par l’employeur.

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

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Source de la jurisprudence arrêt de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr

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