Harcèlement et inaptitude
Lorsqu’un harcèlement moral ou sexuel sur son lieu de travail est la cause de l’inaptitude médicale d’un salarié, son licenciement pour inaptitude est nul. Aspects juridiques : définition du harcèlement ; nullité du licenciement pour inaptitude consécutive au harcèlement. Conséquences d’un licenciement pour inaptitude suite à un harcèlement, indemnités. Que peut faire le salarié licencié pour faire reconnaître que son inaptitude est consécutive à un harcèlement moral ou sexuel ?
Harcèlement et inaptitude : aspects juridiques
Définition du harcèlement
La définition du harcèlement moral est donnée par l’article L1152-1 du code du travail. Il s’agit d’agissements répétés « qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Le harcèlement sexuel est défini par l’article L 1153-1 du code du travail. Il est « constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Par ailleurs, est assimilé au harcèlement sexuel « toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».
La nullité du licenciement consécutif à un harcèlement
Le licenciement d’un salarié est nul lorsque son employeur le prononce pour un motif discriminatoire, ou suite à un harcèlement.
La justice prud’homale applique très strictement les dispositions légales. Or celles-ci prévoient que toute rupture du contrat de travail (CDI ou CDD) résultant d’un harcèlement moral ou un harcèlement sexuel est nulle de plein droit. Art. L 1152-3 et L 1153-3 du Code du travail.
Lorsque l’inaptitude du salarié est la conséquence directe des agissements de harcèlement moral ou sexuel, l’employeur ne peut donc pas justifier le licenciement pour inaptitude. Ainsi, dans un arrêt du 13 février 2013, la Cour de cassation, a confirmé la décision d’une cour d’appel qui avait jugé que le licenciement pour inaptitude physique ayant pour origine des faits de harcèlement moral était nul. Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 février 2013, N° : 11-26380.
NB : Une exception existe cependant, lorsque le litige est soulevé devant une juridiction civile, alors que le licenciement concernant un salarié protégé a fait l’objet d’une autorisation administrative. Cour de cassation, chambre sociale, 6 juin 2012, N° : 10-27694.
Conséquences d’un licenciement pour inaptitude suite à un harcèlement
Un droit théorique à la réintégration
Le principe est que lorsqu’un licenciement est nul, le salarié a droit à une réintégration dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent. Mais s’agissant d’un salarié ayant subi un harcèlement et pour lequel l’employeur a estimé le reclassement impossible,en principe ni le salarié ni l’employeur ne considère possible une réintégration. De plus, l’avis d’inaptitude reste valable.
Quel droit à indemnisation si l’origine de l’inaptitude est le harcèlement ?
Si le salarié refuse sa réintégration, ou qu’elle est impossible (ce qui est pratiquement toujours le cas, dans la situation de harcèlement et d’inaptitude avec impossibilité de reclassement), le salarié a droit aux indemnités suivantes :
- indemnité (ou normalement indemnité spéciale) de licenciement, indemnités compensatrices de préavis et de congés payés,
- et indemnité réparant l’intégralité du préjudice, dont le montant est de 6 mois de salaire minimum,
Par ailleurs, le salarié peut demander et obtenir une indemnité en réparation du préjudice résultant de la violation de l’obligation de prévention du harcèlement. En effet, aussi bien pour le harcèlement moral que pour le harcèlement sexuel, la loi prévoit, d’une part, une interdiction et d’autre part une obligation :
- l’interdiction de faire ou de laisser subir un harcèlement moral, ou sexuel, à un salarié (articles L 1152-1 et L 1153-1 du code du travail),
- et d’autre part, l’obligation de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (article L 1152-4 du code du travail), ou de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner (article L 1153-5 du code du travail).
Par conséquent, la méconnaissance d’une part de l’interdiction et de d’autre part de l’obligation, peut entraîner des préjudices différents et donc ouvrir droit à des réparations spécifiques. Cour de cassation, chambre sociale, 6 juin 2012, N° : 10-27694.
Que peut faire le salarié licencié pour inaptitude consécutive à un harcèlement ?
Faire reconnaître l’origine professionnelle de l’inaptitude
Si le harcèlement est à l’origine de l’inaptitude entraînant le licenciement, le salarié a intérêt à faire reconnaître l’origine professionnelle de l’inaptitude. Cette reconnaissance relève de la sécurité sociale, même si le médecin du travail peut l’avoir indiqué. Outre l’intérêt en termes d’indemnisation pour le salarié, cela constituera un élément important pour que le conseil de prud’hommes admette l’existence du harcèlement.
Mener une procédure devant la justice prud’homale
Pour faire reconnaître un harcèlement par les juges, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. En pratique le salarié peut fournir des témoignages de collègues, ou de clients, des attestations médicales, des notes, mails ou autres documents laissant supposer qu’il subit des agissements typiques d’un harcèlement. Les éléments apportés par le salarié doivent être suffisant. Ainsi, la seule production de documents médicaux n’est pas forcément suffisante. Cour de cassation, Chambre sociale, 29 janvier 2013, 11-22174.
Il revient ensuite à l’employeur de prouver, s’il le peut, que les faits constatés ne sont pas constitutifs d’un harcèlement mais ont des causes étrangères à tout harcèlement. A partir de là, le juge forme sa conviction après, si nécessaire, des mesures d’instruction complémentaires.
Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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Questions/réponses concernant Harcèlement – Inaptitude
Suite à un harcèlement… le médecin du travail a-t-il l’obligation de justifier d’une étude du poste de travail ?
Christian
Bonjour,
Lors de la déclaration d’une inaptitude médicale dans le cadre d’une procédure d’urgence, par exemple suite à un harcèlement, moral ou autre, le médecin du travail a-t-il l’obligation de justifier d’une étude du poste de travail ?
Avec tous mes remerciements.
Très cordialement.
Admin
Bonsoir,
Peu importe que le médecin du travail prononce l’avis d’inaptitude médicale en un seul examen. Selon l’article R 4624-31 du code du travail : « Le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s’il a réalisé : 1° Une étude de ce poste ; 2° Une étude des conditions de travail dans l’entreprise ».
Cependant, en pratique, soit parce qu’il connait déjà l’entreprise, ou simplement la profession, soit faute de temps, le médecin du travail se contente souvent de ce qu’il connait déjà. Ou alors, il se base sur les informations que l’employeur, ou le salarié lui ont communiquer…
En arrêt pour traumatisme psychologique suite à agression physique… j’ai fini par faire un burnout et depuis, elle n’a cessé de me harceler… faux témoignage… si je suis licenciée pour inaptitude, pourrais-je après saisir la justice ?
Bien cordialement.
slitine
Bonjour
Je suis actuellement en arrêt pour traumatisme psychologique suite à agression physique sur le lieu de travail par un collègue. Celui-ci a le même manager que moi, mais a une relation privilégiée avec celui-ci. Ce dernier a tout vu. Mais il a prononcé une phrase qui voulait dire il a raison. En plus, il m’a averti qu’il est prêt à témoigner que je n’ai pas été touchée. Du coup l’autre collègue témoin, par peur de représailles, n’a pas osé dire toute la vérité en se protégeant par un « je n’ai pas vu » j’ai juste entendu.
Il faut savoir que ce manager est capable de tout. Avant cela elle m’avait surchargé de travail. Alors, j’ai fini par faire un burnout. Et depuis, elle n’a cessé de me harceler…
Le médecin du travail propose un licenciement pour inaptitude, car il n’est plus possible de retourner dans ce service. A cause du faux témoignage l’accident de travail n’a pas été reconnu. Et mes indemnités de licenciement ne seront pas doublées.
Je n’ai pas l’intention de laisser passer ce faux témoignage et ces agissements.
Ma question est, si mon employeur me licencie pour inaptitude, pourrai-je après saisir la justice. Et pourrai-je dénoncer la situation ? Ou c’est trop tard ?
Merci de votre éclairage.
Vous pourrez saisir la juridiction prud’homale après un licenciement
Admin
Bonjour,
Bien sûr, vous pourrez saisir la juridiction prud’homale après un licenciement. Le délai pour saisir le conseil de prud’hommes pour contester un licenciement est de 2 ans à partir du licenciement. Et il y a 5 ans pour saisir le conseil de prud’hommes si vous intentez une action visant à faire reconnaître un harcèlement.
Vous parlez d’accident du travail qui n’a pas été reconnu. Je suppose qu’il s’agit d’une blessure lors de l’altercation… Ce n’est pas à l’employeur de décider, mais à la sécurité sociale. Et peu importe si vous avez été frappé ou non. S’il y a eu blessure ou lésion au travail, c’est un accident du travail…
Par ailleurs, vous indiquez que vous avez été en arrêt pour traumatisme psychologique. Voyez avec les médecins si cela ne peut pas entraîner une reconnaissance en maladie professionnelle. Et si oui, il faudrait que vous fassiez la déclaration à la sécurité sociale.
S’il y a eu harcèlement, vous devrez apporter des éléments en ce sens. Vous devez donc réunir dès maintenant le maximum d’éléments qui pourront attester le moment voulu de votre harcèlement et du burnout. Je vous conseille aussi de lire ci-dessus le texte sur le harcèlement et l’inaptitude, ainsi que les jurisprudences concernant le harcèlement que j’ai publiées sur ce site.
Bien cordialement.
Je vais démontrer que cette inaptitude est due au harcèlement
slitine
Merci pour votre réponse. Le médecin de travail a commencé la procédure d’inaptitude. Je vais démontrer que cette inaptitude est due au harcèlement et à l’agression dont j’ai été victime.
Mon employeur a déclaré un accident de travail pour l’agression qu’il a contesté par la suite à cause du faux témoignage de notre manager. D’où le refus de la sécurité sociale, que je vais contester, preuves à l’appui.
Je vais suivre vos conseils.
Admin
Si vous pouvez obtenir des témoignages, je vous conseille ceci : Comment recueillir un témoignage.
Ce qu’un salarié harcelé ne doit surtout pas faire
Admin
NB : Certains salariés harcelés font un abandon de poste. Il faut absolument éviter cela. Un salarié harcelé, qui n’en peut plus, doit en parler. Il peut le faire auprès d’un supérieur hiérarchique de son harceleur, d’un représentant du personnel, du médecin, ou au médecin du travail.
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Sources : code du travail et jurisprudences de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr
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