Inaptitude : réforme du recours

Réforme du recours contre l'avis d'inaptitude

La réforme du recours réalisée par la loi Travail du 8 août 2016 a été modifiée par l’une des ordonnances du 22 septembre 2017. Cette réforme du recours contre l’avis d’inaptitude et autre avis ou propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail attribue au conseil de prud’hommes la fonction précédemment assuré par l’inspecteur du travail. Pourquoi cette réforme du recours ? Quelles étaient les préconisations du groupe de travail pour les recours relatifs à l’inaptitude ?

Pourquoi une réforme du recours ?

La contestation de l’avis d’aptitude ou d’inaptitude délivré par le médecin du travail, s’exerçait jusqu’à fin 2016 devant l’inspecteur du travail, qui prenait sa décision après avis du médecin inspecteur régional du travail, en application du code du travail.

Le fait que ce soit les inspecteurs du travail qui traitaient les recours contre les avis d’aptitude ou d’inaptitude délivrés par les médecins du travail était largement critiqué. D’une part, les inspecteurs du travail ne disposent pas de compétences médicales et, d’autre part, n’étant pas médecins, ils n’avaient pas accès au dossier médical des salariés pour lesquels ils devaient délivrer une décision d’ordre médicale. En fait, les inspecteurs du travail devaient se fier à l’avis des médecins inspecteurs régionaux du travail et la seule compétence qu’ils apportaient concernait le respect de la procédure, c’est-à-dire un aspect annexe.

En raison de leur absence de compétence médicale jugée « indispensable » par le groupe de travail, celui-ci suggère de décharger les inspecteurs du travail des recours contre les préconisations ou les avis d’inaptitude des médecins du travail.

La réforme du recours portée par la nouvelle législation (loi Travail du 8 août 2016 modifiée par ordonnance du 22 septembre 2017)

L’importante réforme du recours introduite par la loi Travail du 8 août 2016 

Suivant la préconisation du groupe de travail de modifier profondément les modalités de recours, en retirant tout rôle à l’inspecteur du travail, la loi Travail du 8 août 2016 n’a pas retenu les propositions formulées dans le rapport remis en mai 2015 (voir plus loin). Le choix du législateur s’est porté en 2016 vers une expertise médicale et un rapprochement des contentieux sur l’inaptitude de ceux sur le licenciement pour inaptitude.

Selon les dispositions de la loi Travail du 8 août 2016, pour contester les éléments de nature médicale justifiant les avis d’aptitude ou d’inaptitude, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, le salarié ou l’employeur peuvent saisir le conseil de prud’hommes  afin de demander la désignation d’un médecin-expert inscrit sur la liste des experts auprès de la cour d’appel. L’affaire devra alors être directement portée devant la formation de référé du conseil de prud’hommes. Le demandeur devra informer le médecin du travail de sa demande.

Le médecin-expert désigné pourra obtenir du médecin du travail la communication du dossier médical en santé au travail du salarié, sans que puisse lui être opposé l’article 226-13 du code pénal, relatif  à la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire.

La formation de référé ou le conseil de prud’hommes saisi au fond pourra de plus consulter le médecin inspecteur du travail sur l’objet de la contestation, à tout moment, y compris en conciliation ou au cours du délibéré.

Les corrections apportées par l’ordonnance du 22 septembre 2017

L’ordonnance, tirant les leçons des difficultés rencontrées sur le terrain, a supprimé les références au médecin expert (dont le délai d’intervention et la charge du coût posait problème).

L’ordonnance a précisé qu’à la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être communiqués au médecin mandaté par l’employeur. Le salarié devant être  informé de cette communication.

Pour rendre la réforme plus opérante, l’ordonnance a donné le rôle pivot au médecin inspecteur du travail, en renforçant les pouvoirs de la formation de référé du conseil de prud’hommes dont la décision, après instruction par le médecin inspecteur, se substitue à l’avis, aux propositions, conclusions écrites ou indications du médecin du travail.

L’ordonnance a reformulé ce qui concerne la charge des frais.

Les coûts engendrés par l’instruction de la contestation doivent, en principe, être remboursés par la partie perdante, cependant le conseil de prud’hommes a le pouvoir d’en décider autrement, par décision motivée. Ces coûts seront réglementés.

(article L 4624-7   du code du travail).

Les préconisations du groupe de travail pour les recours relatifs à l’inaptitude

A l’origine de la réforme de la médecine du travail, de l’aptitude, de l’inaptitude et des recours se trouve les préconisations d’un groupe de travail comprenant deux membres de l’IGAS, un député, un DRH et un professeur de médecine du travail, qui a travaillé de novembre 2014 à mai 2015. Les propositions du rapport du groupe de travail ont largement été reprises par la loi, sauf concernant la réforme des recours contre l’avis du médecin du travail.

Proposition d’une commission ou d’une structure collégiale

Le groupe de travail avait proposé deux possibilités pour remplacer l’inspecteur du travail comme voie de recours contre l’avis d’inaptitude :

  • confier le recours à une commission médicale régionale, qui devrait être créée à cet effet (solution proche de ce qui s’applique dans la fonction publique),
  • instaurer une contestation devant une structure collégiale interne au service de santé au travail, puis, pour les cas résiduels, un recours à un expert médical judiciaire.

Le groupe de travail écartait l’idée d’un recours auprès du médecin inspecteur régional du travail, car, d’une part, celui-­ci peut être intervenu en amont pour conseiller le médecin du travail et, d’autre part, parce que les postes de médecin inspecteur régional ne sont pas tous pourvus…

Proposition pour le recours contentieux sur l’inaptitude 

Le groupe de travail a suggéré que le recours relève du juge judiciaire. L’actuel contentieux administratif se justifie par le fait que la décision de l’inspecteur du travail est une décision administrative. Le groupe suggérait que le tribunal choisi soit celui du contentieux de l’incapacité de la sécurité sociale, avec l’argument de la compétence technique. Un tel choix aurait aussi évité des décisions contradictoires entre l’invalidité et l’inaptitude (voir l’article Invalidité et inaptitude).

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

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Questions réponses

Question VILLIEN

Quel texte de loi fait référence aux non délais de carence pour l’ARE après un licenciement pour inaptitude professionnel ?

RéponseAdmin

Bonjour,

En raison du sujet traité par votre question, celle-ci et la réponse apportée ont été transféré sur la page Salaire, indemnités, préavis et chômage 2 (suivre le lien). Je pense que vous comprendrez qu’il est préférable pour les lecteurs de trouver un lien direct entre le sujet traité par un article et les questions-réponses.

Bien cordialement.

Source : Rapport du groupe de travail « Aptitude et médecine du travail », IGAS, mai 2015 ; loi sur le dialogue social et l’emploi du 17 août 2015 ;  loi travail du 8 août 2016,Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

 

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