Inaptitude et rupture conventionnelle

Est-il possible de mettre fin au contrat de travail d’un salarié, dont le médecin du travail a déclaré l’inaptitude, par une rupture conventionnelle ? La réponse est désormais positive. La Cour de cassation a, en effet, approuvé le 9 mai 2019 une cour d’appel qui avait reconnu la validité d’une rupture conventionnelle d’un salarié en inaptitude après un accident du travail. Mais, c’était en l’absence de fraude et de vice du consentement. Jusque-là, l’opinion générale était qu’une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré inapte était illégale. Mise à jour le 25 décembre 2019.

La rupture conventionnelle est très différente du licenciement pour inaptitude

La rupture conventionnelle est un mode spécifique de rupture du contrat de travail, différent de la démission comme du licenciement. Pour exister, une rupture conventionnelle nécessite un accord amiable entre l’employeur et le salarié. L’un et l’autre décident ensemble de mettre fin au contrat de travail. Et ils précisent ensemble les conditions de leur séparation fixée dans le respect d’une indemnité minimum de rupture égale à l’indemnité légale de licenciement. Ensuite, la procédure prévoit une homologation par l’administration. Mais à part cela, la mise en place d’une rupture conventionnelle suit une procédure légère et est donc un mode de rupture totalement différent du licenciement pour inaptitude.

Le licenciement pour inaptitude est, en effet, l’aboutissement lorsqu’un reclassement n’est pas possible, d’une procédure longue et complète, qui repose au départ sur un avis d’inaptitude par le médecin du travail. Et qui fait intervenir une consultation des membres du comité social et économique.

Alors, pour éviter la lourdeur de la procédure de licenciement pour inaptitude, l’employeur peut proposer au salarié une rupture conventionnelle.

L’opposition ancienne à une rupture conventionnelle pour un salarié inapte

La position ancienne de la Cour de cassation opposée à une rupture amiable pour un salarié inapte

En 2002, la Cour de cassation a condamné un accord ayant pour objet de rompre le contrat de travail d’un salarié déclaré inapte par le médecin du travail. Selon la Cour de cassation en vertu de l’article L 122-24-4 du Code du travail * « la résiliation d’un commun accord était illégale ». (Cour de cassation, chambre sociale, 12 février 2002, N° : 99-41698).

* aujourd’hui article L 1226-4.

Le code du travail prévoit, en effet, que le salarié en inaptitude non reclassé dans l’entreprise et non licencié un mois après l’examen de reprise, bénéficie de la reprise de sa rémunération. Il y a donc une logique à considérer que cela interdit à l’employeur et au salarié de convenir d’une rupture du contrat de travail d’un commun accord, ayant pour conséquence d’échapper aux obligations légales.

La position ancienne de l’administration contre une rupture conventionnelle pour un salarié inapte

L’administration du travail indiquait que « Dans les cas où la rupture du contrat de travail est rigoureusement encadrée durant certaines périodes de suspension du contrat (par exemple durant le congé de maternité en vertu de l’article L 1225-4, ou pendant l’arrêt imputable à un accident du travail ou une maladie professionnelle en vertu de l’article L 1226-9, etc…), la rupture conventionnelle ne peut […] être signée pendant cette période ». (Circulaire DGT n° 2009-04 du 17 mars 2009).

Une période d’incertitude puis l’autorisation de la rupture conventionnelle

Par la suite, la Cour de cassation a pris une position contraire à celle de l’administration dans différentes situations de suspension du contrat de travail du salarié : maladie professionnelle, accident du travail, congés maternité. La Cour de cassation a aussi admis la rupture conventionnelle pour un salarié ayant fait l’objet d’un avis d’aptitude avec réserve…

2019 : la Cour de cassation autorise la rupture conventionnelle pour un salarié inapte

Enfin, la Cour de cassation a indiqué, dans un arrêt du 9 mai 2019, qu’il est possible de signer une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré inapte… sauf cas de fraude ou de vice du consentement. (Cour de cassation, chambre sociale, 9 mai 2019, n° : 17-28767).  Mais, en l’espèce, la salariée concernée et son avocat n’avait allégué aucune fraude ou vice du consentement.

L’inaptitude de la salariée concernée était d’origine professionnelle, la Cour de cassation adopterait la même position en cas d’inaptitude professionnelle.

Les décisions de la Cour de cassation concernant la validité d’une rupture conventionnelle reposent sur la réalité du consentement libre et éclairée du salarié et l’absence de fraude.

Mise en garde

Que la rupture conventionnelle soit juridiquement possible avec un salarié inapte est une chose. Mais si le salarié la signe, une autre chose sera de contrer l’argumentation d’un salarié invoquant son absence de libre consentement ou une fraude, après la rupture… Que ce soit pour des raisons réelles, ou pour chercher à obtenir des indemnités prud’homales en supplément.

Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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Sources : code du travail ; jurisprudences de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr.

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