Indépendance du juge par rapport à la CPAM

Indépendance du juge par rapport à la CPAM pour déterminer l’origine de l’inaptitude

Jurisprudence de la Cour de cassation La juridiction prud’homale n’est pas liée par la qualification retenue par la CPAM, lorsque celle-ci s’est prononcée sur le caractère professionnel de la maladie ou de l’accident. Il suffit que le juge dispose d’éléments de fait et puisse considérer que l’employeur avait connaissance d’une origine professionnelle, même partielle, pour qu’il puisse se prononcer sur le caractère professionnel de l’inaptitude. Si l’employeur n’avait pas, à tort, appliqué la procédure pour origine professionnelle, la sanction est la nullité du licenciement.

Le contexte du licenciement pour inaptitude

Un manutentionnaire spécialisé engagé en septembre 2001, a été victime d’un accident du travail, en février 2002. Ayant repris son travail en février 2002, il a à nouveau été arrêté en juillet 2002, sans qu’il y ait prise en charge par la CPAM au titre d’une rechute de son accident du travail. L’employeur avait même été destinataire d’une déclaration de consolidation de la Caisse de sécurité sociale relative à l’accident du travail. Par contre, le salarié considérant que son arrêt de travail résultait d’une rechute de son accident de travail de février 2002, avait engagé une procédure devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde afin de voir reconnaître sa pathologie du pouce droit comme étant une conséquence directe de son accident de travail de février 2002.

A l’issue de deux visites médicale du travail les 2 et 16 avril 2004, le médecin du travail a prononcé son inaptitude et a indiqué « Salarié inapte à son poste de travail. A reclasser à un poste de type sédentaire (ne nécessitant aucun effort de manutention ni d’effort physique). Pas de conduite de chariots automoteurs ».

Le 10 mai 2004, l’employeur a licencié son salarié manutentionnaire pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement en considérant que l’inaptitude était d’origine non professionnelle.

Le contentieux et décision de la Cour de cassation

Le salarié, contestant le bien-fondé de son licenciement, a saisi la juridiction prud’homale.

La Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 8 janvier 2009, a dit le licenciement nul et a condamné l’employeur à payer au salarié des sommes à titre d’indemnité spéciale de licenciement, d’indemnité de préavis et de congés payés afférents et de dommages et intérêts pour licenciement nul (18 000 euros à ce titre).

Le pourvoi en cassation de l’employeur

L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation.

L’argumentation de l’employeur s’appuyait sur le fait que la cause de l’inaptitude doit s’apprécier au moment du licenciement et qu’il ignorait la procédure engagée par le salarié devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale.

La qualification d’accident du travail ou de maladie professionnelle rend applicable les dispositions du code du travail créant une protection et des règles particulières pour les salariés concernés. Selon l’employeur : la qualification d’accident du travail ou de maladie professionnelle, relève de la compétence exclusive de la CPAM ; par conséquent, en cas de non prise en charge par la CPAM d’un accident au titre des accidents du travail, seule la connaissance par l’employeur, à la date du prononcé du licenciement, d’un recours exercé par le salarié contre cette décision est de nature à lui rendre opposables ces dispositions.

D’autre part, l’employeur a rappelé que les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis. Selon l’employeur, la cour d’appel n’a pas respecté cette obligation.

Concernant la consultation des représentants du personnel, la cour d’appel avait écarté un document qui selon elle n’était qu’une « simple feuille photocopiée évoquant certes le cas de Mr X…, mais dont la production ne permet nullement d’établir qu’il s’agirait là de la consultation des délégués du personnel, encore moins de connaître le sens de leur avis.. ».

Pour prouver sa recherche d’un reclassement, l’employeur avait aussi versé aux débats tous les courriels adressés aux autres sociétés du groupe les interrogeant sur l’existence en leur sein d’un poste disponible compatible avec l’état de santé du salarié, ainsi que les registres d’entrées et de sorties du personnel de ces sociétés, démontrant que seuls des emplois de manutentionnaires caristes incompatibles avec les prescriptions du médecin du travail, et des emplois de conducteurs routiers, ne pouvant être occupés par le salarié inapte, qui n’était pas titulaire du permis poids lourds, avaient été pourvus. La cour d’appel avait affirmé que l’employeur « ne prouve pas de manière certaine ses recherches de reclassement au sein du groupe », sans à aucun moment examiner ni même viser ces pièces.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation a d’abord rappelé que « les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie ».

Confirmant le jugement de la Cour d’appel, la Cour de cassation a considéré que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, pour ensuite préciser que « l’application de l’article L. 1226-10 du code du travail n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance maladie du lien de causalité entre l’accident du travail et l’inaptitude ». La cour d’appel ayant relevé que le salarié avait bénéficié d’un arrêt de travail, le 22 juillet 2002 pour rechute d’accident du travail initial et qu’il n’avait pas repris le travail ensuite jusqu’à l’engagement de la procédure de licenciement pour inaptitude, la Cour de cassation a dit que « la cour d’appel, qui a constaté que l’inaptitude avait au moins partiellement pour origine l’accident du travail et que l’employeur en avait connaissance au moment du licenciement, a légalement justifié sa décision ».

La Cour de cassation, relevant que « la cour d’appel, qui avait constaté par un motif non critiqué qu’il n’était pas justifié par l’employeur de la consultation des délégués du personnel, a décidé à bon droit que les dispositions de l’article L. 1226-10 du code du travail avaient été méconnues et que le salarié était fondé à prétendre à l’indemnité prévue par l’article L. 1226-15 du même code ».

Par conséquent, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur (Cour de cassation, chambre sociale, 9 juin 2010, N°: 09-41040).

Conclusion : L’application des règles du code du travail relative au licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance maladie du lien de causalité entre l’accident du travail et l’inaptitude. La justice prud’homale n’est pas liée par la qualification retenue par la CPAM, lorsque celle-ci s’est prononcée sur le caractère professionnel de la maladie ou de l’accident.

Par ailleurs, les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

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Source de la jurisprudence arrêt de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr

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