Licenciement abusif d’un handicapé

Jurisprudence de la Cour de cassationLicenciement abusif d’un handicapé. Jurisprudence de la Cour de cassation : inaptitude, proposition de reclassement, refus du reclassement, licenciement pour inaptitude, contentieux prud’homal. Le refus d’une proposition de reclassement justifie-t-il le licenciement pour inaptitude ? L’employeur peut-il procéder rapidement au licenciement après l’avis d’inaptitude ? En cas de licenciement abusif d’un handicapé, quelle est la conséquence en termes d’indemnisation du préavis ?

Inaptitude d’un handicapé, proposition de reclassement et licenciement

Un salarié, reconnu travailleur handicapé par la COTOREP depuis 1994,  avait été engagé en février 2004 par la société Chaussures Dubourg. Ses fonctions étaient celles de magasinier-livreur-vendeur multitâches. Du 9 mars au 1er avril 2007, il a été mis en arrêt de travail.

A la suite des deux visites de reprise ayant eu lieu les 3 et 17 avril 2007, le médecin du travail a prononcé un avis d’inaptitude à son poste en raison d’une contre-indication aux manutentions lourdes et répétées. Mais, dans ce même avis, le médecin du travail a indiqué que le salarié serait apte à un poste sans manutention comme la vente seule ou la gestion administrative. L’employeur a alors immédiatement proposé au salarié un poste de vendeur.

Le salarié ayant refusé cette offre de reclassement, l’employeur a procédé à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 4 mai 2007.

Contentieux prud’homal et décision de la Cour de cassation

Contestant le bien fondé du licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.  Le Conseil de prud’hommes n’a pas donné satisfaction au salarié. Celui-ci a donc fait appel.

L’arrêt de la cour d’appel : licenciement abusif et doublement du préavis

Dans son arrêt, la Cour d’appel de Lyon , indiquant qu’ « il n’est pas contestable en l’espèce que la société Chaussures Dubourg a fait preuve d’une célérité toute particulière en mettant en œuvre la procédure de licenciement trois jours après l’avis d’inaptitude du médecin du travail alors que cet avis préconisait deux types de postes en vue d’un reclassement », a conclu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, la cour d’appel a condamné l’employeur à payer au salarié diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité compensatrice de préavis doublée du fait du handicap du salarié, et congés payés correspondants. La cour d’appel a également condamné l’employeur à rembourser à Pôle Emploi, les indemnités de chômage versées au salarié entre le licenciement et la date de sa décision, dans la limite de six mois d’indemnité de chômage (Cour d’appel de Lyon, 27 janvier 2010).

Le pourvoi en cassation de l’employeur

L’employeur, à la suite, a formé un pourvoi en cassation.

Le licenciement repose-t-il sur une cause réelle et sérieuse ?

En premier lieu, l’employeur a reproché à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir dit le licenciement privé de cause réelle et sérieuse et de l’avoir  condamné en conséquence. L’employeur soutenait que lorsqu’il y-a refus du salarié d’un poste de reclassement approprié à ses capacités selon le médecin du travail, et alors que l’avis médical n’a pas fait l’objet d’un recours administratif de la part du salarié, l’employeur est en droit de procéder à son  l d’inaptitude et de l’impossibilité de reclassement.

De plus, selon l’employeur qui indiquait le contraire, la cour d’appel, aurait affirmé sans aucune précision, donc sans justification légale, qu’il existait d’autres possibilités de reclassement au sein de l’entreprise dans le cadre de postes disponibles autres que celui proposé par l’employeur.

La Cour de cassation a rappelé « que le refus par un salarié d’un poste proposé par l’employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n’implique pas, à lui seul, le respect par celui-ci de cette obligation ». Elle a ensuite noté que la cour d’appel :

  • avait relevé « que l’employeur avait fait preuve d’une célérité particulière en mettant en œuvre la procédure de licenciement trois jours après l’avis d’inaptitude du médecin du travail alors que celui-ci préconisait deux types de poste en vue du reclassement du salarié » ;
  • avait constaté que l’employeur n’avait pas apporté de précision sur la proposition seulement verbale dont il se prévalait, alors que le salarié affirmait pour sa part qu’elle incluait des tâches de manutention exclues par le médecin du travail ;
  • avait relevé que l’employeur n’avait pas indiqué si ce poste pouvait être aménagé et qu’il n’avait pas demandé un avis complémentaire du médecin du travail,

Pour conclure sur la première série d’arguments de l’employeur, la Cour de cassation a jugé que la cour d’appel avait pu décider que l’employeur n’avait pas respecté son obligation de reclassement et qu’elle avait légalement justifié sa décision.

En l’absence de cause réelle et sérieuse, quelle indemnité de préavis ?

En second lieu, l’employeur a fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de l’avoir condamné au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis doublée. Selon l’employeur, si un  manquement  à l’obligation de reclassement donne droit pour le salarié déclaré inapte suite à une maladie ou accident non professionnel, à une indemnité de préavis (même si le salarié est dans l’incapacité d’exécuter celui-ci en raison de son inaptitude), le doublement de la durée du délai-congé en faveur des salariés handicapés, n’est pas applicable à cette indemnité compensatrice de préavis dans ce cas.

La Cour de cassation a considéré « qu’après avoir caractérisé le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, la cour d’appel, qui a constaté que le salarié était reconnu travailleur handicapé, a fait une exacte application des dispositions des articles L. 122-8 et L. 323-7, devenus L. 1234-5 et L. 5213-9 du code du travail en retenant que ce salarié devait, dans la limite de trois mois, bénéficier du doublement de la durée du préavis ».

La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi de l’employeur.
(Cour de cassation, chambre sociale, 25 janvier 2012, N° : 10-30637).

Conclusion :

1 – Sur le processus recherche d’un reclassement – licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement

Le refus par un salarié d’un poste proposé par l’employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n’implique pas, à lui seul, le respect par celui-ci de cette obligation. L’employeur doit à nouveau rechercher une possibilité de reclassement  et se mettre en situation de montrer l’impossibilité d’un reclassement.

Faire preuve pour un employeur d’une grande rapidité pour mettre en œuvre la procédure de licenciement risque fort d’être interprété comme un élément attestant d’une insuffisance de recherche des possibilités de reclassement. L’employeur a donc intérêt à ne pas aller trop vite. Il a aussi intérêt à solliciter l’avis du médecin du travail en cours de procédure sur les possibilités de reclassement, notamment en lui demandant son avis sur les postes semblant pouvoir constituer une opportunité pour un reclassement.

2 – Sur la compensation du préavis pour les personnes handicapées ayant fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude

Si le licenciement pour inaptitude d’origine non-professionnelle et impossibilité de reclassement repose sur une cause réelle et sérieuse (l’employeur démontre la réelle impossibilité de reclassement), aucune indemnisation du préavis n’est due puisque celui-ci n’est pas possible et que le contrat de travail est immédiatement rompu. En cas d’inaptitude d’origine professionnelle, une indemnité d’un montant non doublé égal à celui de l’indemnité compensatrice du préavis légal est due pour tout salarié licencié pour ce type d’inaptitude avec une cause réelle et sérieuse.

Par contre, si le licenciement effectué suite à un avis d’inaptitude est jugé sans cause réelle et sérieuse, l’indemnisation du préavis fait partie des indemnités dues au salarié. Lorsque le salarié est une personne handicapée, il y a doublement du préavis, dans la limite de trois mois.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

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Sources : jurisprudences de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr

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