L’inspecteur du travail doit respecter le contradictoire
Note de la rédaction : A l’époque des faits ayant fait l’objet de cette jurisprudence, l’inspecteur du travail était compétent pour annuler l’avis d’inaptitude émis par un médecin du travail. En 2020 et depuis plusieurs années, l’inspecteur du travail n’est plus le recours contre un avis d’inaptitude. Pour contester l’avis du médecin du travail il convient, aujourd’hui, de saisir le conseil de prud’hommes en référé. L’inspecteur du travail n’intervient plus que pour autoriser la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé.
Article rédigé avant que le recours soit réformé :
L’inspecteur du travail doit respecter le contradictoire. Jurisprudence du Conseil d’Etat. Après l’avis d’inaptitude prononcé par le médecin du travail, l’inspecteur du travail saisi d’une contestation par la salariée, infirme l’avis médical. S’ensuit à l’initiative de l’employeur un recours hiérarchique, puis un contentieux administratif jusqu’au Conseil d’Etat, qui tranche le litige en rappelant que l’inspecteur du travail doit respecter l’obligation du contradictoire et motiver sa décision.
Avis d’inaptitude et invalidation par l’inspecteur du travail
Avis d’inaptitude après accident de trajet
Une salariée occupait un emploi de caissière employée libre-service au sein de la SNC LIDL dans les Pyrénées-Orientales. A la suite d’un accident de trajet dont elle fut victime, le médecin du travail l’a examinée le 26 septembre et le 12 octobre 2007 et lors de chacune des deux visites l’a déclarée inapte à un poste de caissière employée libre-service et apte à un poste de travail de bureau ou d’accueil.
A la suite de la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail à l’issue de la seconde visite, l’employeur était tenu de rechercher un reclassement et pouvait engager un licenciement pour inaptitude en cas d’impossibilité de reclassement.
Aptitude selon l’inspecteur du travail
La salariée insatisfaite des avis d’inaptitude a engagé une contestation auprès de l’inspecteur du travail. Par une décision du 8 septembre 2008, l’inspecteur du travail a infirmé les avis émis par le médecin du travail. Dans le cadre de sa décision, après avoir recueilli l’avis du médecin inspecteur du travail, l’inspecteur du travail a déclaré la salariée apte au poste qu’elle occupait avant son accident de trajet, sous réserve d’un aménagement ergonomique pour la manutention des charges supérieures à dix kilos et sous réserve d’une absence de travail au froid de façon prolongée.
Recours hiérarchique et contentieux devant la justice administrative
L’employeur ayant présenté un recours hiérarchique contre la décision de l’inspecteur du travail auprès du Ministre du travail, celui-ci a confirmée le 12 janvier 2009 la décision de l’inspecteur du travail.
Le recours contentieux devant la justice administrative
L’employeur a alors décidé d’emprunter la voie de la contestation contentieuse devant la justice administrative pour obtenir l’annulation de la décision de l’inspecteur du travail du 8 septembre 2008 et de la décision confirmative du ministre du travail du 12 janvier 2009.
Par jugement du 20 septembre 2010, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de l’employeur. Celui-ci a donc saisi la Cour administrative d’appel de Marseille, qui a rejeté le 13 novembre 2012 la requête de la SNC LIDL tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif du 20 septembre 2010.
Le Conseil d’Etat tranche au nom de l’obligation du contradictoire
Poursuivant son combat judiciaire, malgré la suite d’échec jusque-là, la SNC LIDL a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat pour obtenir l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille.
Après avoir pris en considération ce qui ressortait des pièces du dossier soumis aux juges de la cour administrative d’appel, juges du fond, le Conseil d’Etat a rappelé :
- que selon les dispositions de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : […] subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions […]. » ;
- et qu’aux termes des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. »
Ensuite, le Conseil d’Etat a considéré :
- que la décision de l’inspecteur du travail infirmant l’avis d’inaptitude prononcé par le médecin du travail et déclarant, sous certaines réserves, l’aptitude de la salariée à tenir son emploi de caissière employée libre-service, n’a pas été prise sur une demande de l’employeur, mais suite au recours de la salariée ;
- que compte tenu de la portée donnée par l’article L 4624-1 du code du travail, la décision de l’inspecteur du travail doit être regardée comme imposant des sujétions dans l’exécution du contrat de travail ;
- que dès lors, la décision de l’inspecteur du travail ne pouvait intervenir, conformément à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, « qu’après que l’employeur eut été mis à même de présenter ses observations » ;
- qu’il en résulte que la cour administrative d’appel, « en jugeant qu’aucune disposition législative ou règlementaire n’imposait à l’inspecteur du travail de mettre en œuvre, avant de prendre sa décision, une procédure contradictoire permettant à l’employeur de présenter ses observations, a commis une erreur de droit ».
Par suite, et sans avoir besoin d’examiner les autres motifs du pourvoi, le Conseil d’Etat a jugé que l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 13 novembre 2012 devait être annulé.
(Conseil d’État, N° 365124, 21 janvier 2015)
Conclusion : Lorsque l’inspecteur du travail envisage de prendre une décision infirmant l’avis d’aptitude ou d’inaptitude du médecin du travail, il doit respecter l’obligation du contradictoire. La partie n’étant pas à l’origine de la contestation doit être invitée à présenter ses observations et ses arguments examinés. La décision de l’inspecteur du travail doit répondre à ces arguments et être motivée.
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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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Source : jurisprudence du Conseil d’Etat Légifrance.gouv.fr
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