Non-respect de la procédure
Les règles de la procédure de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle doivent être respectées « à la lettre ». L’absence d’un strict respect peut entraîner la condamnation à d’importants dommages et intérêts. La Cour de cassation est intransigeante. Dans cette affaire, c’est l’obligation pour l’employeur de faire connaître au salarié par écrit l’impossibilité de reclassement ET les motifs qui s’opposent à ce reclassement, avant le début de la procédure de licenciement, qui n’avait pas été respectée.
Le contexte du licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle
Un salarié a été engagé en mai 2004 par la Société des voies ferrées du Dauphiné, en qualité de conducteur-receveur. A la suite d’un accident du travail, il a été placé en arrêt de travail à compter du 18 août 2006 et n’a pas repris son activité. Durant son arrêt de travail, il a été muté administrativement sur un autre site selon l’employeur, pour des nécessités de service.
A l’issue d’une seconde visite de reprise, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste. Le médecin du travail a ensuite émis un second avis « inapte aux postes de conducteur de véhicule de transport en commun. Pourrait occuper un emploi aux postes de type administratif ou commercial dans une structure employeur qui ne rappelle pas à [M. X…] les conditions du traumatisme initial (accident du travail du 18 août 2006) ».
Pour rechercher un reclassement, l’employeur a envoyé à deux reprises aux divers centres d’exploitation de l’entreprise une note interne demandant d’indiquer les disponibilités de poste de type administratif ou commercial sans conduite. Les réponses n’ont pas été positives. De ce fait, l’employeur a procédé au licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 18 février 2008.
Le contentieux
Le salarié avait saisi la juridiction prud’homale.
La Cour d’appel de Grenoble de fait grief à l’arrêt a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral, (arrêt du 18 janvier 2012).
Le pourvoi en cassation du salarié
Le salarié a ensuite formé un pourvoi devant la Cour de cassation.
Devant la Cour de cassation, le salarié a présenté différents griefs contre l’arrêt de la Cour d’appel. Selon lui :
- l’employeur en envoyant de simples « lettres circulaires » au sein de l’entreprise, sans engager une recherche effective des postes disponibles (aucune mention du poste occupé précédemment, de ses aptitudes professionnelles, ni des caractéristiques précises du reclassement recherché), avait manqué à son obligation de reclassement ;
- l’employeur aurait dû lui proposer tous les emplois disponibles dans l’entreprise adaptés à ses capacités, peu important que ces emplois soient ou non pérennes ;
- les délégués du personnel n’avait pas eu toutes les informations nécessaires quant au reclassement, alors qu’ils ne le connaissaient pas, de sorte qu’ils n’avaient pu se prononcer en connaissance de cause sur son reclassement et avaient émis le souhait d’une nouvelle consultation ;
- la cour d’appel n’avait pas constaté qu’avant d’engager la procédure de licenciement, l’employeur lui avait notifié par écrit les motifs s’opposant à son reclassement, violant ainsi l’article L. 1226-12 du code du travail.
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation a indiqué que :
- la cour d’appel avait constaté que les délégués du personnel consultés après le second avis d’inaptitude du médecin du travail, avaient émis un avis ;
- la cour d’appel, constatant l’absence de poste disponible (du fait que les centres consultés avaient répondu par la négative à la demande de l’employeur concernant un poste correspondant aux préconisations du médecin du travail), avait pu en déduire que l’employeur avait en vain procédé à une recherche sérieuse de reclassement,
- et que la cour d’appel a, « sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, légalement justifié sa décision », en constatant l’existence d’une cause réelle et sérieuse du licenciement.
Après avoir rejeté les trois premiers griefs du salarié, la cour de cassation a jugé recevable le quatrième grief du salarié contre la cour d’appel.
Alors que la cour d’appel, pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, a retenu « que l’employeur l’a informé de l’impossibilité de reclassement […], lors de la convocation à l’entretien préalable en vue d’un licenciement et qu’il a donc bien reçu cette information avant son licenciement » ;
La cour cassation a rappelé « que l’employeur est tenu de faire connaître au salarié par écrit non seulement l’impossibilité de reclassement mais également les motifs qui s’opposent à ce reclassement, ce avant que ne soit engagée la procédure de licenciement ». Elle en a conclu que la cour d’appel avait violé l’article L 1226-12 du code du travail et a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel, « mais seulement en ce qu’il déboute M. X… de sa demande en dommages-intérêts pour absence d’information ».
(Cour de cassation, chambre sociale, 20 mars 2013, N° : 12-15633)
Conclusion : Dans cette affaire, la cour de cassation a montré l’importance du respect formel des règles légales, ici celle relatives à la procédure de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle. Deux exemples :
- Les délégués du personnel ont accepté de donner un avis, cela clos tout débat, peu importe leur bonne ou mauvaise information préalable et leur demande d’une nouvelle consultation. Si la consultation des délégués du personnel n’avait pas eu lieu, la sanction aurait été la même que celle indiquée ci-dessous. La consultation est maintenant celle des membres du comité social et économique, depuis la fusion des instances de représentation du personnel.
- Le salarié inapte n’a pas été informé par écrit des motifs qui s’opposent à son reclassement préalablement au lancement de la procédure de licenciement (comprendre : avant la remise ou l’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement). Les conséquences financières de ce non-respect de la procédure sont très élevées : au minimum 12 mois de salaire (2ème et 3ème alinéa de l’article L1226-15 du code du travail).
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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Sources : code du travail et jurisprudence arrêt de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr
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