La preuve du harcèlement moral

Palais de justice de Paris abritant la Cour de cassationLa preuve du harcèlement moral : le salarié n’a pas à prouver le harcèlement ; il doit seulement établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. En effet, c’est à l’employeur de démontrer l’absence d’un harcèlement. Et qu’ils sont en réalité justifiés par des motifs valables et étrangers à un harcèlement. Et si l’employeur ne le peut pas, le juge doit nécessairement reconnaître l’existence du harcèlement moral. En cas d’inaptitude, la démonstration peut ne pas être aisée.

Le contexte de l’inaptitude, du harcèlement moral et du licenciement pour inaptitude

Un salarié engagé le 1er mars 1973 par la Société européenne de travaux ferroviaires (ETF), a occupé en dernier lieu un emploi de conducteur d’engin principal.

Dans un courrier du 19 juillet 2004, répondant à une demande d’explication sur une absence non autorisée, le salarié a fait état d’un harcèlement qu’il subissait « de la part de certaines personnes », selon lui. Et il a fait part de sa recherche d’un autre emploi à l’extérieur de l’entreprise. Plus tard, il a ensuite eu deux arrêts de travail délivrés par son médecin traitant, les 21 décembre 2004 et 4 décembre 2005. Ce dernier indiquait : « Problème dépressif : harcèlement au travail ». De plus, en septembre 2005, un médecin psychiatre a établi un certificat détaillant une absence d’amélioration de l’état psychique avec une situation de stress et des idées d’autolyse (autodestruction) à la reprise du travail du salarié.  Après qu’il ait été déclaré inapte par le médecin du travail, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, en date du 14 novembre 2005.

Le contentieux sur la preuve du harcèlement moral

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale.

L’arrêt de la cour d’appel constatant le harcèlement

Dans son arrêt, la Cour d’appel de Toulouse a dit que l’inaptitude médicale du salarié était la conséquence d’un harcèlement moral. Pour en arriver à cette conclusion, la cour s’est référé aux arrêts de travail, au courrier du salarié faisant état d’un harcèlement, à une lettre anonyme d’un « ton odieux » (selon les termes de la cour) produite par le salarié et à une attestation récapitulative de son médecin. En conséquence, la cour d’appel a prononcé la nullité du licenciement. Et elle a condamné l’employeur à payer diverses indemnités.

Le pourvoi en cassation de l’employeur : contestation de la valeur des éléments de preuve du harcèlement retenus par la cour d’appel

L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation.
L’employeur a affirmé que le salarié ne peut se constituer une preuve à lui-même. Et qu’il lui revient d’établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral. La partie défenderesse devant seulement (toujours selon l’employeur), prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement.

L’employeur a ensuite fait ressortir que la cour d’appel s’est basée :

  • Sur une lettre émanant de l’intéressé lui-même, adressée à la société ETF, alléguant un harcèlement moral ;
  • Sur une lettre anonyme, non datée, adressée par une personne prétendant être un collègue de travail du salarié. Cette lettre faisait état des préférences équines (relatives au cheval) de ce dernier (!).
  • Et sur les observations du médecin traitant du salarié, relatant ses affirmations, qu’il ne pouvait pourtant contrôler. Alors que « seuls les témoignages directs relatant des faits personnellement constatés par leur auteur sont admissibles aux débats ».

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation a d’abord rappelé que la cour d’appel avait constaté « que le salarié avait dénoncé, dans une lettre adressée à l’employeur, des faits de harcèlement dont il affirmait être victime, qu’il avait reçu un billet anonyme au contenu odieux et que l’altération de son état de santé avait nécessité deux arrêts de travail ». La Cour de cassation en a conclu que la cour d’appel avait pu décider « que l’ensemble de ces éléments permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral, de sorte qu’ayant constaté que l’employeur ne produisait aucun élément établissant que le harcèlement n’était pas constitué, [la cour d’appel] a légalement justifié sa décision ».

Sur ces considérations, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’employeur.

(Cour de cassation, chambre sociale, 12 mai 2010, N°: 09-40910).

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Conclusion : C’est à l’employeur qu’il revient d’apporter la preuve contraire à l’existence d’un harcèlement

La dénonciation dans une lettre par le salarié lui-même d’un harcèlement, une lettre anonyme reçue produite aux débats et des constats médicaux d’ordre psycho-sociaux établis sur les indications du salarié concerné constituent des éléments suffisants permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Si les éléments fournis par le salarié sont considérés suffisants, même s’ils sont imprécis, l’employeur doit pouvoir apporter les éléments permettant de réfuter l’existence du harcèlement. Car, à défaut, le licenciement pour inaptitude sera frappé de nullité.

Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

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Source de la jurisprudence arrêt de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr 

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