Réforme de l’obligation de reclassement
Mise à jour : 16 octobre 2017. Les lois du 17 août 2015 et du 8 août 2016, ont réformé l’obligation de reclassement. Une ordonnance du 22 septembre 2017 a complété les lois des deux années précédentes. Les obligations supprimées : recherche d’un reclassement non souhaitable pour la santé du salarié, recherche de nouvelles offres de reclassement alors que le salarié en a refusé une conforme aux obligations légales, recherche en dehors du territoire national, ou un groupe plus large que la définition légale du groupe.
Le refus du reclassement par le salarié
La législation avant la réforme
Les articles L 1226-2 et L 1226-10 du code du travail prévoient une obligation pour l’employeur de proposer un reclassement. La Cour de cassation considérait donc qu’en cas de refus d’un reclassement par le salarié déclaré inapte, l’employeur devait chercher à lui en proposer un autre conforme aux conditions du médecin du travail. Pour licencier pour inaptitude, l’employeur devait prouver l’impossibilité du reclassement sans que soit une preuve suffisante le refus du salarié de tout reclassement, ou son état de santé empêchant son reclassement sur quelque poste que ce soit.
L’exigence ainsi formulée vis-à-vis des employeurs privés était bien plus grande que ce qui est applicable pour les salariés des fonctions publiques pour lesquels existe une possibilité de licenciement à la suite de trois refus d’emploi suite à une disponibilité (1).
La réforme préconisée reprise dans la loi du 8 août 2016, dite « loi travail » ou « loi El Khomri »
Suivant les préconisations du groupe de travail sur l’aptitude et la médecine du travail, la loi du 8 août 2016, dite « loi travail » ou « loi El Khomri » a prévu que le refus par le salarié de l’emploi proposé dans les conditions, prévues aux articles L. 1226-2 et L. 1226-10 pour l’inaptitude non-professionnelle et l’inaptitude professionnelle « constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ». Pour lever toute interprétation différente de l’intention du législateur, la loi a précisé que « L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues [par la loi], en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail . » (Art. L. 1226-2-1 nouveau et article L 1226-12 du code du travail).
Précisons que la loi a prévu, dans un nouvel article L 4624-5, que préalablement le médecin du travail recevra le salarié, afin d’échanger sur l’avis et les indications ou les propositions qu’il pourrait adresser à l’employeur.
L’article L 4624-1 du code du travail a été complété par une disposition indiquant que : « Le médecin du travail recherche le consentement du salarié sur les propositions qu’il adresse à l’employeur. Il peut proposer à l’employeur l’appui de l’équipe pluridisciplinaire ou celui d’un organisme compétent en matière de maintien en emploi ».
L’inaptitude à tout emploi
L’obligation de recherche d’un reclassement s’appliquait en cas d’inaptitude à tout emploi
Alors même que le médecin du travail prononçait l’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise, ou même prononçait l’inaptitude pour sortir le salarié de l’entreprise et/ou que le salarié inapte indiquait qu’il refuse tout reclassement, l’employeur était tenu de rechercher un reclassement. A défaut de pouvoir prouver cette recherche le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement pouvait être jugé sans cause réelle et sérieuse.
La réforme préconisée reprise dans les lois du 17 août 2015 et du 8 août 2016
Afin d’exonérer l’employeur d’une recherche de reclassement sans utilité, la loi du 17 août 2015 reprenant la proposition du groupe de travail pour l’inaptitude d’origine professionnelle a prévu que « [l’employeur] peut rompre le contrat de travail si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. » (deuxième alinéa complétant l’article L. 1226-12 du code du travail).
La loi du 8 août 2016 a corrigé la formule et l’a étendu à l’inaptitude non-professionnelle. La nouvelle formulation de la mention devant être expressément apposé par le médecin du travail dans son avis d’inaptitude pour permettre le licenciement pour inaptitude sans recherche de reclassement est la suivante : « tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé », ou « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi » (article L 1226-12 et L 1226-20 modifiés pour l’inaptitude professionnelle). La formulation est pratiquement identique pour l’inaptitude non-professionnelle (article L 1226-2-1 nouveau).
Avant d’apposer l’une de ces mentions, le médecin du travail aura dû recevoir le salarié, afin d’échanger sur l’avis et les indications à y apposer (nouvel article L 4624-5).
Limiter la recherche de reclassement au niveau du groupe
L’obligation actuelle de recherche au niveau du groupe
Concernant les groupes, le rapport de 2015 constate que l’obligation actuelle de reclassement dans l’ensemble des filiales des groupes aboutit le plus souvent à « une recherche factice « pour le juge » », l’entreprise du salarié ayant, en pratique, les plus grandes difficultés à imposer un reclassement, dans une autre filiale. La Cour de cassation considère même que la notion de groupe est plus étendue que celle de la définition juridique (elle s’étend ainsi aux réseaux de franchise). Le salarié et le médecin du travail n’ont, quant à eux, pas d’élément d’appréciation sur les postes qui pourraient être proposés.
La proposition de réforme du groupe de travail non reprise dans la loi
De ce fait, le groupe de travail proposait que la recherche du reclassement ne s’étende aux filiales du groupe auquel appartient l’entreprise, que lorsque le salarié en aura exprimé le souhait.
Ni la loi d’août 2015, ni celle d’août 2016 n’ont retenu cette proposition.
L’ordonnance réforme le périmètre de l’obligation de recherche de reclassement
L’ordonnance du 22 septembre 2017, sans aller jusqu’à retenir la proposition du groupe de travail, limite la recherche au territoire national et, lorsque l’entreprise employeur appartient à un groupe, aux entreprises du groupe dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
L’ordonnance donne enfin une définition du groupe en se référant à l’article L 2331-1 du code du travail, qui renvoi à plusieurs articles du code du commerce. Avant l’ordonnance, les juridictions avaient tendance à étendre l’obligation de recherche très au-delà de l’influence de la direction d’une filiale, ou à fortiori d’une entreprise franchisée qui pouvait difficilement obtenir une réelle coopération des autres entreprises indépendantes du réseau pour rechercher un reclassement.
Pour l’inaptitude professionnelle, le groupe est, de plus, défini par l’ordonnance comme constitué par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français, lorsque le siège de l’entreprise dominante n’est pas situé sur le territoire français.
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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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(1) La disponibilité du fonctionnaire peut avoir été décidé en raison d’un constat d’inaptitude.
Source : Rapport du groupe de travail « Aptitude et médecine du travail », IGAS, Mai 2015 ; loi du 17 août 2015 ; loi du 8 août 2016 dite « loi travail » ou « loi El Khomri ».
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