Seul compte l’avis du médecin du travail
Un salarié récemment déclaré apte à son poste de travail et n’ayant pas contesté cet avis d’aptitude du médecin du travail, ne peut pas refuser de travailler au motif que son état de santé ne le lui permet pas, quand bien même son médecin traitant a rédigé un certificat d’inaptitude au poste. Un tel refus de travailler constituerait une faute grave. Dans cette jurisprudence de la Cour de cassation, le médecin traitant préconisait l’absence du port de charges lourdes, mais cinq semaines plus tard le médecin du travail n’avait constaté aucune inaptitude.
Inaptitude selon le médecin traitant non validée par le médecin du travail
Engagé en février 1978, comme technicien radio-TV-hifi, le salarié a eu un arrêt de travail pour maladie du 4 au 18 septembre 1995. A la suite, il a produit un certificat médical de son médecin traitant contre-indiquant le port de charges lourdes, daté du 19 septembre 1995, pour justifier son refus d’effectuer des interventions extérieures. Le 20 octobre 1995, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire. Cinq jours plus tard, le salarié a passé, à sa demande, une visite médicale devant le médecin du travail, qui n’a donné lieu à aucune réserve de la part du médecin.
Lors de l’entretien préalable à son licenciement, le salarié a demandé qu’une visite permettant de constater son inaptitude soit organisée à la médecine du travail, ce que l’employeur a refusé. Le salarié a été licencié pour faute grave pour insubordination le 3 novembre 1995.
Le contentieux prud’homal
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale, qui lui a donné satisfaction. L’employeur a fait appel.
L’arrêt de la cour d’appel
La cour d’appel de Rennes, ayant relevé que le salarié avait passé de sa propre initiative, une visite médicale devant le médecin du travail et que cette visite n’avait donné lieu à aucune réserve de la part de ce médecin, et disant que l’employeur n’avait pas à faire procéder à une visite de reprise, a débouté le salarié de ses demandes d’indemnité de préavis, d’indemnité conventionnelle de licenciement, et de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (arrêt du 6 octobre 1998).
Le pourvoi en cassation du salarié
Le salarié a formé un pourvoi en cassation, en contestant notamment que l’employeur n’aurait pas eu à faire procéder à une visite à la médecine du travail et en soulignant que la cour d’appel avait dénaturé sa demande en répondant sur la non obligation d’une « visite de reprise ».
Le salarié a par ailleurs soutenu que « l’insubordination, si elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, constitue une faute grave sauf si le salarié fournit un motif à son refus ou si les circonstances permettent d’expliquer ce dernier ». Il rappelait qu’à l’appui de son refus il avait présenté un certificat de son médecin traitant. Selon le salarié le fait de s’en tenir aux prescriptions de son médecin traitant ne saurait constituer une faute grave, car le salarié pouvait légitimement penser qu’il serait dangereux pour sa santé de ne pas suivre ses prescriptions…
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation a rappelé que l’avis émis par le médecin du travail, seul habilité à constater une inaptitude au travail, peut faire l’objet d’un recours tant de la part de l’employeur que du salarié et qu’en l’absence d’un tel recours cet avis s’impose aux parties.
La Cour de cassation a relevé que la cour d’appel :
- avait constaté le refus du salarié de se soumettre à une instruction de son employeur consistant à effectuer des interventions extérieures, au motif de son état de santé ;
- avait relevé que le salarié avait passé une visite avec le médecin du travail, de sa propre initiative, et que cette visite n’avait donné lieu à aucune réserve de la part de ce médecin ;
- et avait constaté que, si le salarié produisait à l’appui de son refus un certificat médical de son médecin traitant contre-indiquant le port de charges lourdes, le salarié ne démontrait pas l’absence, de port de charges lourdes, dans l’atelier où il revendiquait d’être affecté et n’établissait pas l’existence de telles contraintes lors des interventions au domicile des clients.
La Cour de cassation en a conclu que la cour d’appel qui avait constaté « que le refus du salarié d’exécuter les tâches dévolues en conformité avec son contrat de travail, n’était pas fondé sur son état de santé, a pu décider que le comportement du salarié était de nature à rendre impossible le maintien de ce dernier dans l’entreprise pendant la durée du préavis et constituait une faute grave » (Cour de cassation, chambre sociale, 9 octobre 2001, N° : 98-46144).
Sur ces motifs la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du salarié.
Conclusion : Un avis émis par le médecin du Travail, seul habilité à constater une inaptitude au travail, peut faire l’objet tant de la part de l’employeur que du salarié d’un recours. En l’absence d’un tel recours, cet avis s’impose tant au salarié qu’à l’employeur. Un certificat établi par le médecin traitant n’a pas d’effet quant à l’aptitude ou l’inaptitude totale ou partielle d’un salarié au travail.
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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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Sources : jurisprudence arrêt de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr
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